Île de La Réunion : Paul Vergès, un communiste qui ne l’était que de nom16/11/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/11/2520.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Île de La Réunion : Paul Vergès, un communiste qui ne l’était que de nom

Paul Vergès, leader et fondateur du Parti communiste réunionnais, est décédé le 12 novembre à l’âge de 91 ans. Il fut maire, député, conseiller général, sénateur, et surtout vice-président puis président à la tête de la région pendant près de vingt ans.

Les hommages pleuvent depuis son décès. Hommages de circonstance, hommages empreints d’hypocrisie mais aussi hommages sincères de la part de travailleurs pour qui Paul Vergès et le PCR ont incarné un espoir pendant des décennies. Espoir de plus de justice sociale, d’un avenir meilleur, de plus de respect, dans une île à peine sortie de la colonisation et dont les habitants, hormis la couche privilégiée, subissaient toujours le mépris et la répression de l’État français.

Paul Vergès était le fils de Raymond Vergès qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, fut député à l’Assemblée constituante française et un des artisans de la loi de départementalisation de mars 1946. Un temps partisan de la départementalisation, Paul Vergès pensait que, avec la fin du statut colonial, la population, majoritairement très pauvre, qui souffrait de la misère et du manque d’infrastructures, allait voir ses conditions de vie s’améliorer rapidement. Mais face à cet État français peu enclin à appliquer les lois et les mesures sociales en vigueur en France métropolitaine, Vergès mit en avant une politique dite d’autonomie. C’est sur la base d’un tel programme qu’il fonda le Parti communiste réunionnais en 1959, parti qui remplaça la fédération locale du PCF existant depuis 1947.

Dès le départ, Paul Vergès voulut créer un parti de rassemblement le plus large possible, n’hésitant pas à tendre la main et à voler au secours des pires adversaires du communisme. Ce fut le cas en 1954, quand Vergès choisit de s’allier au directeur de l’usine sucrière de Quartier Français, René Payet, un anticommuniste primaire, réactionnaire et ancien pétainiste. Au fil des ans et des élections, Vergès chercha souvent des alliés sur sa droite, comme en 1986 où il entra dans la majorité régionale aux côtés du président UDF Pierre Lagourgue, ou encore en 1988 avec Jean-Paul Virapoullé, un des dirigeants de la droite locale avec qui il conclut une alliance pour faire élire à la tête du conseil général un autre homme de droite.

Ces alliances électorales tous azimuts déboussolèrent bien des militants et des électeurs du PCR, à qui le parti et son dirigeant tentèrent à chaque fois de faire avaler l’amère pilule en leur expliquant qu’il s’agissait de stratégies pour rester dans les instances dirigeantes et peser sur les décisions. Pire, même, ces zigzags électoraux firent perdre du crédit à de nombreux militants dévoués et combatifs, crédit acquis au cours de luttes menées aux côtés des travailleurs et des petits planteurs.

Vergès et le PCR n’offrirent aux classes populaires aucune autre perspective que la voie des élections, qu’une politique de collaboration de classes. Celle-ci les a amenés à se faire accepter par les possédants de l’île, au service desquels ils se sont mis, en particulier lorsqu’ils furent à la tête de la région.

Cette politique illustrée par la formule « Union des Réunionnais », sans distinction de classes, est aujourd’hui toujours maintenue. Elle a contribué à semer le trouble dans la conscience de nombreux travailleurs, leur laissant croire que leurs intérêts peuvent être confondus avec ceux de leurs exploiteurs.

Certains disaient de Vergès qu’il était un révolté. En tout cas, ses indignations ne l’ont pas amené à s’engager sur la voie de la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière, afin que soit mis fin au joug du système capitaliste sur la base de véritables idées communistes.

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