Mitterrand, idole de Mélenchon : comment ressusciter les illusions ?13/01/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/01/2476.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mitterrand, idole de Mélenchon : comment ressusciter les illusions ?

À l’occasion de l’anniversaire de la mort de François Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon a tenu à exprimer toute son admiration pour l’ancien président socialiste, cherchant surtout à convaincre que, malgré le discrédit de la gauche actuelle, « parvenir au pouvoir peut permettre de changer la donne ».

Pour convaincre que « Mitterrand l’a prouvé », Mélenchon réécrit l’histoire, celle de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, prétendant : « Les riches ont eu si peur en 1981 ! On a nationalisé toutes les banques ! »

La vérité est qu’à l’époque la très grande majorité des patrons savaient parfaitement à quoi s’en tenir sur Mitterrand, connu pour son passé d’homme politique proche du régime de Vichy, son rôle en tant que ministre dans la répression de militants nationalistes durant la guerre d’Algérie.

Si Mitterrand suscita un espoir dans la classe ouvrière, celui-ci se transforma vite en déception. La retraite à 60 ans fut certes adoptée en 1981, mais elle existait alors déjà dans bien des entreprises. Si sa généralisation représenta un progrès incontestable, elle ne fut pas une révolution. Quant aux nationalisations, que Mélenchon présente comme une mesure quasi révolutionnaire, elles ne firent pas trembler les patrons. En effet les actionnaires des entreprises et des banques nationalisées furent largement indemnisés. Cet argent frais leur permit de spéculer en Bourse. Ce fut le début, comme l’a dit un ministre socialiste, Bérégovoy, de « la réconciliation du socialisme avec la Bourse ».

En revanche, quelques mois seulement après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de gauche, la rigueur s’abattit sur les travailleurs. En juin 1982, les salaires furent bloqués. Un an plus tard, en 1983, ce fut l’instauration du forfait hospitalier. Face à l’explosion du chômage, non seulement le gouvernement de gauche ne fit rien pour empêcher les licenciements, mais il continua à déverser des milliards de cadeaux au patronat licencieur. Ainsi, Mitterrand et son Premier ministre Mauroy versèrent plus de dix milliards de francs aux patrons de la sidérurgie. Il y eut des licenciements massifs dans ce secteur, comme dans celui de l’automobile. Lors des grèves qui éclatèrent à Peugeot en 1983 contre les 1900 licenciements chez Talbot à Poissy, le gouvernement fit envoyer les CRS. Dans les secteurs nationalisés, les travailleurs, à qui les militants syndicaux et politiques avaient expliqué qu’ils étaient protégés, subirent également des licenciements massifs et des fermetures d’usines.

Ces espoirs déçus contribuèrent à démoraliser les travailleurs et les milliers de militants, ceux du Parti communiste et de la CGT en particulier, qui avaient défendu ce gouvernement et qui avaient dû rendre des comptes auprès de leurs camarades de travail quand celui-ci avait montré son vrai visage de défenseur des intérêts des possédants. Le PCF allait le payer par la réduction de son influence électorale, que Mitterrand allait pouvoir mettre à son actif. « Évidemment, quand vous avez sous les yeux un François Hollande, vous pouvez vous dire que l’arrivée au pouvoir de la gauche ne change rien et que le résultat peut même être pire qu’avec la droite. (…). Ce n’est pas vrai », a affirmé Mélenchon. Face à la déception engendrée par la politique du gouvernement Hollande, lui et les autres dirigeants de son courant voudraient redonner cours à l’illusion d’une possible alternative de gouvernement de gauche. Ne pouvant se raccrocher à Hollande, ils vont chercher plus loin dans le passé et y trouvent… Mitterrand. Eh bien, ce n’était pas mieux. Comme chaque fois que des socialistes sont arrivés au gouvernement, cela a été pour mener la politique antiouvrière réclamée par les patrons. Il est bon de le rappeler.

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