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Dans les entreprises
Air France : la direction sanctionne en vantant le « dialogue social »
Un conseil de discipline d’Air France a décidé de mettre à pied deux pilotes pendant quinze jours sans salaire. Cela s’ajoute au fait que, depuis début octobre, ils étaient déjà mis à pied à titre conservatoire, avec salaire, mais sans les primes de vol qui forment l’essentiel de leur rémunération. La direction les accuse d’avoir utilisé leur badge, lors du comité central d’entreprise (CCE) du 5 octobre, pour donner accès au siège d’Air France à des salariés refusant 3 000 suppressions d’emplois.
Suite à ce CCE mouvementé qui avait donné lieu à l’affaire des chemises arrachées, Air France a licencié cinq membres du personnel au sol. Elle sanctionne maintenant deux navigants, là encore sans preuves et sans même que des juges aient pu examiner les faits qu’elle allègue.
C’est déjà révoltant. Mais ce l’est plus encore de constater qu’à Air France, comme ailleurs, des salariés peuvent être privés de leur salaire ou de leur emploi pour avoir défendu leur gagne-pain, alors que, quand leur patron supprime des milliers d’emplois, ce forfait reste impuni. Cela avec la bénédiction du gouvernement, de la droite, de la majorité des médias et, malheureusement, avec désormais une reculade qui vaut consentement de la part des directions syndicales.
Des syndicats d’Air France avaient appelé à faire grève contre les licenciements et sanctions, à l’occasion du premier CCE de l’année. Mais leurs dirigeants viennent de battre piteusement en retraite au premier prétexte que leur a fourni la compagnie.
Il a suffi d’un courrier du PDG annonçant qu’il présenterait un projet de développement au CCE du 15 janvier, pour qu’à l’issue d’une réunion de l’intersyndicale (CGT, FO, CFTC, Unsa, SUD, syndicats corporatistes de navigants et de mécaniciens) le représentant de la CGT déclare : « Nous avons décidé de suspendre l’appel à la grève car la direction semble vouloir mettre en place un projet de développement ambitieux. »
Si la direction semble avoir un tel projet, les salariés que cette grève devait défendre ne semblent pas avoir vu lever leurs sanctions. Cinq d’entre eux, adhérents de la CGT, sont licenciés et une quinzaine d’autres sanctionnés de diverses façons. Et la direction ose prétendre, dans son courrier, qu’elle veut « le dialogue social dans une perspective résolument positive » ! Mais pourquoi se gêner, puisqu’elle sait que les instances syndicales n’attendent que de pouvoir reprendre les discussions avec elle. Le représentant de la CGT a bien reconnu n’avoir aucun détail sur le projet de la direction : pour lui et ses homologues des autres syndicats, le principal est de pouvoir dire que son organisation a « été entendue sur la nécessité d’un plan de développement ».
Comme si cela pouvait être une bonne nouvelle pour les travailleurs ! Ces plans de la compagnie ont, depuis vingt ans au moins, pour seul objectif de développer… les profits au détriment des salaires et de l’emploi. Les salariés d’Air France sont (mal) payés pour le savoir. Les dirigeants syndicaux le savent aussi. Mais discuter de ces plans avec le patron, lui prodiguer leurs conseils pour mieux gérer l’entreprise, cela résume, en tout cas justifie à leurs yeux leur rôle de partenaires sociaux loyaux.
Alors, le patron peut annoncer la couleur. Malgré l’impact des attentats de novembre sur la fréquentation de ses avions, le groupe Air France-KLM prévoit un bénéfice avant impôts de 2,2 milliards pour 2015. Et s’il table sur une année 2016 encore plus profitable, cela ne l’empêche pas de dire que son plan de développement (renonciation à fermer certaines lignes ou à procéder à des licenciements secs, embauches à la carte…) aura pour contrepartie des gains de productivité. Autrement dit, une pression accrue sur les salariés.
Air France n’a pas encore précisé la chose. Mais on en a un avant-goût par exemple dans les ateliers d’Orly-Nord, où elle projette de créer une co-entreprise de maintenance. Soustraite à la convention d’entreprise Air France, elle lui permettra de faire travailler sur avions des ouvriers et techniciens en équipes de nuit, tout en les payant moins que leurs camarades d’Air France. Le patron trouvera-t-il des dirigeants syndicaux pour aller expliquer aux travailleurs qu’ils devraient applaudir ce plan de développement ?