Espagne : Une loi qui voudrait bâillonner les luttes sociales16/07/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/07/une2398.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Une loi qui voudrait bâillonner les luttes sociales

Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, vient de faire adopter un projet de loi sur la « sécurité citoyenne ». Il n'entend pas s'en prendre aux spéculateurs qui pillent l'économie espagnole ni à ceux qui saccagent le système de santé ou l'Éducation ni aux patrons qui, chaque année, jettent par dizaines de milliers les travailleurs à la rue, pas plus qu'aux responsables des expulsions de logements. Pour Rajoy et les siens, au contraire, il faut s'en prendre à ceux qui protestent.

Rajoy veut se donner encore plus de moyens pour agir contre ceux qui contestent sa politique même si, en ce qui concerne le maintien de l'ordre, la législation actuellement en place n'est déjà pas tendre.

En effet, au cours des dernières années, les amendes, les arrestations et les condamnations à des peines de prison pour participation à des grèves ou à des manifestations ont été de plus en plus nombreuses et implacables. Les interventions musclées de la police pour disperser des manifestations ou des rassemblements se sont multipliées.

À Grenade, en Galice, à la Rioja (région à l'est de la Castille), en Catalogne, à Valence, et en fait dans toutes les régions, des femmes et des hommes sont en prison, parfois sans avoir encore été jugés, pour avoir participé à un « piquet informatif » du mouvement 15M ou à une manifestation. Des dizaines de personnes qui se sont opposées à des expulsions ont été condamnées à des amendes, voire à des peines de prison.

Des travailleurs du secteur public comme du secteur privé, qui ont participé à des luttes importantes contre les licenciements ou contre des réductions de salaires, ont été condamnés à des amendes et à de lourdes peines de prison. D'après un bilan établi par les organisations syndicales, environ 300 travailleurs ont ainsi été condamnés à des peines atteignant, si on les cumule, 120 ans.

Mais aujourd'hui la droite au gouvernement veut imposer plus. Rajoy n'ignore pas que de nouveaux plans de licenciements sont prévus. Il se prépare à imposer de nouvelles coupes dans les budgets sociaux et sait que sa politique et ses mesures vont susciter des réactions dans la population. La jeunesse a montré à Burgos il y a six mois, à Madrid puis à Barcelone très récemment, qu'elle était capable de se mobiliser rapidement et de tenir tête à la police. Rajoy craint aussi sans doute que la situation en Catalogne devienne un facteur d'instabilité politique.

Alors Rajoy puise dans les poubelles du franquisme, et ses mesures s'inscrivent dans une logique destinée à conforter l'opinion de droite. Les sanctions sont exorbitantes. L'amende pour la tenue de manifestations non autorisées dans les aéroports ou les centrales nucléaires peut atteindre jusqu'à 600 000 euros, tout comme la détention illégale d'armes ; ou encore de 1 000 à 30 000 euros pour s'être opposé à la police lors d'une expulsion d'un logement, ou pour refus de présenter ses papiers, ou si l'on empêche des contrôles dans les lieux de travail.

La loi soulève maintenant un flot de protestations. Certains articles sont contestés par des juristes, qui affirment qu'ils ne respectent pas la Constitution. Mais c'est la lutte des jeunes, des travailleurs, des chômeurs, des expulsés, qui peut rendre inopérant ce nouvel arsenal antipopulaire, antiouvrier, et destiné à les bâillonner.

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