Sanofi Aventis - Romainville (Seine-Saint-Denis) : Après la mort d'un ouvrier, il y a cinq ans, le directeur de l'usine et le groupe condamnés22/10/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/10/une2099.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Sanofi Aventis - Romainville (Seine-Saint-Denis) : Après la mort d'un ouvrier, il y a cinq ans, le directeur de l'usine et le groupe condamnés

Le 27 février 2003, à l'usine Sanofi Aventis, Bruno, un jeune ouvrier de 31 ans, père d'un enfant, trouvait la mort dans un réacteur à cristallisation, une cuve de préparation d'un médicament. L'affaire vient d'être jugée au tribunal de Bobigny plus de cinq ans après.

Ce jour-là, notre camarade de travail devait effectuer « le test du chiffon », une procédure récemment introduite dans les feuilles de travail que doivent suivre les opérateurs (elle n'avait été effectuée que six fois auparavant). Elle imposait de descendre dans le réacteur pour vérifier qu'il ne s'y trouvait pas de produit résiduel.

Après la fabrication et la récupération du produit, la cuve est rincée à l'acétone, mais pour éviter une explosion au contact de l'air, on le rend inerte avec de l'azote, ce qui raréfie l'oxygène. Ensuite, la cuve est rincée à l'eau et laissée ouverte suffisamment longtemps pour permettre le retour de l'air. Ce jour-là, le réacteur n'avait pas été rincé à l'eau et n'avait été ouvert qu'une heure et demie avant le test du chiffon. Aussi quand le travailleur a voulu y procéder, il est tombé, asphyxié par manque d'oxygène.

Malheureusement, ce secteur de travail était depuis longtemps en sous-effectif. L'agent de maîtrise était absent ce jour-là et la seule personne présente sur place appartenait à une entreprise extérieure chargée de l'analyse du chiffon. Il n'était prévu ni harnais pouvant permettre de remonter le travailleur du réacteur ni de masque à oxygène. Il n'y avait qu'un simple masque à cartouche, incapable de pallier une anoxie. En fait, ce test du chiffon, supprimé après l'accident, était en contradiction avec les pratiques de l'industrie chimique, où seuls descendent dans les réacteurs les travailleurs de la maintenance, en appliquant une procédure particulière en présence de pompiers.

Un collègue venu au secours, descendu dans le réacteur pour tenter de le dégager, a aussi été victime d'un malaise et a eu du mal à en ressortir, ainsi que le premier pompier arrivé sur les lieux. Tous pensaient que Bruno avait un malaise, mais personne ne pensait au risque d'asphyxie. Le bilan aurait pu être encore plus lourd.

Le procès a d'autant plus tardé que la justice est lente et que la direction a multiplié les contre-expertises. Dans le box des accusés, le prévenu était le directeur du site d'alors, Noël Volta. Pour sa défense, celui-ci s'est retranché derrière la « délégation de pouvoir ». Comme il déléguait sa responsabilité, il estimait ne pas avoir à être au courant de tout ce qui se passait dans l'usine. Une façon de tenter d'échapper à sa responsabilité de chef d'établissement, qui faisait pourtant de lui le cadre le mieux payé de l'entreprise.

Sanofi Aventis a été reconnu civilement responsable par le tribunal et devra répondre devant le tribunal des affaires de la Sécurité sociale pour les dommages et intérêts dûs à la famille. Quant à l'ex-directeur, il a été reconnu coupable et condamné à un an de prison avec sursis. Il devrait payer 5 000 euros d'amende et verser la somme de 1 500 euros à la compagne du travailleur décédé, à sa fille, à ses parents et 1 000 euros aux syndicats FO et CGT qui se sont constitués partie civile.

Après ce jugement somme toute symbolique, la direction du groupe aurait pu en rester là, mais elle a trouvé que c'est encore trop. Elle vient de faire appel ainsi que le directeur du site. Ce qui va entraîner encore des mois d'attente pour une famille déjà très éprouvée par cette épreuve, avant que l'affaire ne soit rejugée...

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