Espagne : La disparition de 114 266 républicains entre 1936 et 1952 - un pacte du silence fort éloquent22/10/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/10/une2099.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : La disparition de 114 266 républicains entre 1936 et 1952 - un pacte du silence fort éloquent

Le juge Baltazar Garzon, de l'Audience Nationale - la plus haute autorité pénale d'Espagne - a annoncé le 16 octobre une décision qui a soulevé un tollé dans les plus hautes instances juridiques et les milieux politiques de droite du pays. Il entend en effet ouvrir une instruction sur la disparition de 114 266 républicains entre 1936 et 1952, c'est-à-dire pendant la guerre civile et les premières années du franquisme.

Aujourd'hui encore, la vérité sur ce qui s'est passé il y a 70 ans gêne beaucoup de gens en Espagne. Sans doute la plupart des responsables, des artisans ou des complices de la répression franquiste, sont-ils aujourd'hui décédés. Mais leurs familles existent. Et tous ceux qui ont profité de leurs relations avec les milieux franquistes n'ont pas envie que trop de vérités soient dites. Tous ces gens-là sont la base de cette droite réactionnaire qui s'exprime aujourd'hui au travers des leaders du Parti Populaire qui, comme Mariano Rajoy, accusent Baltazar Garzon de vouloir casser l'unité du pays, en ravivant les vieilles haines datant d'il y a près de soixante-dix ans.

Un débat juridique se livre dans les sommets de la Justice espagnole pour savoir si la demande de Baltazar Garzon de faire ouvrir dix-neuf fosses communes, dont celle où le poète Federico Garcia Lorca est enterré, près de Grenade, est recevable. Mais là n'est pas l'essentiel, car au-delà des péripéties, cette affaire, qui n'en est encore qu'à ces débuts, rappelle que le silence qui a été fait sur la répression, les exécutions sommaires, les tortures, les charniers où ont été jetés les corps des victimes du franquisme, a été non seulement le choix de la droite, mais aussi celui de toute la classe politique.

Le silence sur tous ces crimes a été imposé par la violence du temps de Franco. Mais après la mort de celui-ci, en novembre 1975, les hommes politiques de la droite, du centre et de la gauche - y compris ceux du Parti Communiste - ont prôné ou accepté le silence sous prétexte de ne rien faire qui puisse servir de prétexte aux adversaires du retour au parlementarisme. En 1977, une loi d'amnistie a été codifiée, justifiant un « pacte du silence » pour éteindre les haines. Mais cela protégeait ceux qui avaient joué un rôle sous la dictature ou qui en avaient profité ainsi que leurs descendants réels ou politiques, continuaient leur carrière dans la justice, l'administration, la police ou l'armée du nouveau régime.

Mais les plaies trop profondes se referment mal. La complicité de tous les partis qui ont laissé filer les années en tablant sur l'oubli n'a pu empêcher que des dizaines de milliers d'hommes et de femmes veuillent connaître la vérité sur la disparition de leurs parents ou de leurs amis victimes du franquisme. Ni empêcher qu'ils la disent haut et fort quand ils la connaissaient.

Cela fait maintenant huit ans que des bénévoles, des associations dites « pour la récupération de la mémoire historique », recherchent des témoignages, fouillent des sites et retrouvent des fosses communes pleines de cadavres difficilement identifiables parmi lesquels pourrait se trouver l'un des leurs.

C'est tout cela que l'initiative de Baltazar Garzon fait apparaître au premier plan. Et c'est tant mieux, car cette période de l'histoire de l'Espagne qui va de 1936 à 1952 montre ce dont les classes dirigeantes sont capables pour garder leur emprise sur la société. Quant à l'histoire plus récente des trente dernières années, elle montre le mépris des partis de droite comme de gauche vis-à-vis de la population à laquelle ni les uns ni les autres ne reconnaissent le simple droit de savoir la vérité sur l'histoire de leurs proches.

Partager