- Accueil
- Lutte ouvrière n°1863
- Russie : Nouvelle catastrophe minière
Dans le monde
Russie : Nouvelle catastrophe minière
Samedi 10 avril, 44 mineurs ont perdu la vie (3 sont portés disparus et 6 seulement, dont 4 blessés, sont remontés à la surface) au puits Taïjina, dans la région minière du Kouzbass, en Sibérie centrale. Cette tragédie n'est pas la première, ni sans doute malheureusement la dernière, dans cette industrie minière russe où, selon les propos tenus ces jours-ci par le vice-président du syndicat des mineurs de Russie, "les gens doivent travailler jusqu'à épuisement, comme les équipements", et subir "le régime de la trique".
En novembre dernier, alors qu'une inondation menaçait 70 mineurs (deux y ont trouvé la mort) dans un puits de Novochakhtinsk et que la télévision avait largement couvert leur sauvetage durant plusieurs jours, Poutine (qui préparait sa réélection) avait "exigé (l'emploi) de technologies plus sures", "le renforcement du contrôle des systèmes de sécurité", "la poursuite de la modernisation de la production". Il est vrai que, dans la région de Rostov, la mine de Zapadnaïa avait été inondée par deux fois cette même année, avec des travailleurs au fond dont certains n'étaient jamais remontés vivants.
Mais rien ne change en ce domaine, quoi qu'en dise Poutine. Il ne peut pas tromper grand-monde, surtout pas les mineurs, malheureusement bien placés pour savoir ce qu'il en est. Le puits où s'est produite la catastrophe meurtrière du 10 avril en est un exemple criant. En 1997, une explosion de méthane avait tué 67 travailleurs dans une mine voisine, à Novokouznestk. En 1998, celle de Taïjina avait dû être fermée suite à un incendie. Après des travaux censés assurer sa mise aux normes (russes) de sécurité, elle avait rouvert en août 2001: juste un an plus tard, un accident y faisait un mort. Et maintenant, près de cinquante autres y ont disparu.
Dans les années quatre-vingt-dix, on a "liquidé" 170 mines en Russie, officiellement pour des raisons de sécurité, en réalité parce que leur exploitation n'était plus rentable, même dans le cadre de la privatisation-bradage des mines orchestrée au début de cette décennie-là par le vice-Premier ministre d'alors, Gaïdar. À cette époque, pour justifier la chose, les autorités et les médias avaient popularisé un chiffre: on dénombrait un accident mortel pour un million de tonnes de charbon extraites.
Les chiffres de morts au fond ont, alors, un peu commencé à diminuer, en tout cas, ceux qui étaient publiés. Mais il n'y avait toujours aucun investissement, ni public (l'État était au bord de la faillite), ni privé, dans les équipements d'extraction, sans même parler de ceux destinés à la sécurité. Les mines étaient comme le reste de ce sur quoi les proches du pouvoir faisaient main basse: un moyen de s'enrichir au plus vite et à moindre coût.
Malgré l'abandon des mines les plus mal en point, les statistiques officielles remontent donc en flèche: 0,76 décès par million de tonnes en 2002; 0,91 en 2003... Comme disait un mineur russe interviewé ces jours derniers, même les maigres règles de sécurité ne sont pas respectées car, à qui proteste, l'administration répond: "Si tu n'es pas content, fiche le camp!"
Jusqu'au jour où tous les travailleurs du pays feront "ficher le camp" à ces parasites qui les exploitent jusqu'à la mort.