Privatisations : l'État vend les "bijoux de famille" pour entretenir sa "danseuse": le patronat16/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1863.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Privatisations : l'État vend les "bijoux de famille" pour entretenir sa "danseuse": le patronat

Le 5 avril, Raffarin a annoncé devant les parlementaires une "accélération de la politique de privatisation dans le secteur concurrentiel". Son nouveau ministre des Finances, Nicolas Sarkozy, prévoit "des ventes d'actifs pour rembourser la dette de la France et pour recapitaliser l'industrie française". Le rapporteur de la commission des Finances estime le montant des recettes escomptées à environ 10 milliards d'euros pour les douze mois à venir.

Cette politique de privatisation n'est pas nouvelle. Elle s'inscrit, depuis 1981, dans un va et vient: un coup on nationalise, avec des indemnisations conséquentes pour les actionnaires, puis on privatise à des prix avantageux pour le secteur privé. Lancée par Balladur en 1986, lors de la cohabitation Mitterrand-Chirac, cette politique s'est poursuivie depuis sous tous les gouvernements, de droite bien sûr, mais aussi de gauche. Entre 1997 et 2002, Jospin a privatisé plus que Balladur et Juppé réunis, pour l'équivalent de 27 milliards d'euros. Les chefs du PS dénoncent aujourd'hui une "braderie", mais leurs critiques ne valent que pour ceux qui les croient.

La raison des ventes actuelles d'entreprises appartenant à l'État serait de diminuer la dette et de "recapitaliser" l'industrie.

Certes, la dette de l'État est énorme: près de 1000 milliards d'euros, 63% du produit intérieur brut du pays. Mais qui détient les titres de cette créance, sinon les banques et leurs gros clients qui empochent les intérêts de la dette? Cette année, ces intérêts se montaient à 38,6 milliards d'euros, soit 80% de ce que rapporte l'impôt sur le revenu. C'est aussi à eux que l'État rembourse lorsqu'il se désendette.

Quant à la "recapitalisation", elle consiste à doter de capitaux les sociétés industrielles étatiques, de façon à ce qu'elles soient vendables, c'est-à-dire rentables ou en voie de l'être, pour que les capitaux privés s'y intéressent. Les privatisations sont donc tout profit pour la bourgeoisie.

Parmi les travailleurs, en revanche, elles suscitent l'inquiétude. Une inquiétude parmi les salariés des entreprises privatisables, qui craignent, non sans raison, que la privatisation soit l'occasion de réduire les effectifs, d'augmenter la charge de travail et bien souvent de remettre en cause leur statut et, bien plus encore, le système de retraite qui va avec. C'est ce qui a motivé les salariés d'EDF et de GDF qui ont massivement fait grève et manifesté jeudi 8 avril. Ceux de la Snecma, d'Aéroports de Paris, des Autoroutes du Sud de la France ou d'Air France ont des craintes semblables.

L'exemple de France Télécom est là pour alimenter les inquiétudes. L'État pourrait vendre une partie des 50% d'actions qui lui appartiennent encore. Mais dès maintenant tout le monde constate la dégradation considérable des conditions de travail intervenue dans cette entreprise depuis la mise en marche de la privatisation.

Et puis la population aura à souffrir de la privatisation des entreprises qui assument, bien ou mal, un rôle de service public. C'est le cas par exemple d'EDF et GDF. Il y a déjà eu un début d'"ouverture à la concurrence" dans le domaine de l'énergie. Mais la présence du secteur privé y est encore réduite. Et rien d'essentiel n'a changé pour les consommateurs. Qu'en sera-t-il quand EDF et GDF seront transformés en sociétés par actions? Les usagers risquent d'y perdre la possibilité d'être desservis partout, l'efficacité dans le rétablissement des zones atteintes par les événements climatiques. Bref tout ce qui a un coût mais qui ne rapporte pas de profit! Sarkozy tente de rassurer aussi bien les usagers que les salariés des entreprises privatisables. Et de déclarer: "Je dis aux agents d'EDF et de GDF: votre statut ne sera pas modifié. Je dis une deuxième chose, dans la foulée de ce qu'a dit le Premier ministre: EDF-GDF ne sera pas privatisé. En revanche, nous devons changer, pour l'adapter, le statut de ces grandes entreprises, pour leur donner les moyens du développement dont elles ont besoin."

Le statut de l'entreprise changerait, et pas celui des travailleurs, qui va croire cela? Et puis le statut est une chose, les conditions réelles de vie et de travail en sont une autre. Les travailleurs de France Télécom qui sont toujours fonctionnaires, et dont les conditions de travail sont devenues infernales, en savent quelque chose.

Les discours de Sarkozy ne peuvent rassurer en rien les travailleurs. Quand il parle du "développement" qui serait nécessaire à EDF-GDF, de quoi parle-t-il? De continuer à assurer la fourniture de gaz et d'électricité à la population, ou de transformer ces entreprises en prédatrices multinationales rapportant gros à leurs actionnaires mais en exploitant leurs salariés et en rançonnant les populations "clientes", comme EDF le fait depuis des années à Rio de Janeiro au Brésil?

Privatiser, c'est donner l'argent de l'État aux bourgeois ou aux banques qui sont ses créancières. Et les fonds récupérés sur les intérêts de la dette ou par la vente d'actions, l'État les utilisera encore pour faire des nouveaux cadeaux aux patrons et aux riches.

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