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- Lutte ouvrière n°1847
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Tribune de la minorité
Notre «communauté», c’est la classe ouvrière
Les derniers débats sur le foulard islamique ont fait se lever une petite nuée de chefs religieux. Curés, imams, rabbins ont haussé la voix pour dénoncer « le retour d'une laïcité de combat ». Ils ont ainsi donné le ton d'un discours, repris bien plus largement, sur la « tolérance religieuse » ou le « respect des cultures ».
La question ne se pose pourtant pas comme cela. Le voile n'est pas seulement un signe religieux. C'est le signe d'un statut inférieur imposé aux femmes, de la soumission exigée d'elles, un signe qui les présente comme des objets. Plus qu'un signe en fait: le voile, c'est en soi une oppression. Dans certains pays, Afghanistan, Nigeria ou ailleurs, cette oppression s'accompagne d'autres, bien plus graves. Les femmes sont maintenues dans l'ignorance, dans l'esclavage domestique, dans une condition de paria. Et les tentatives d'échapper à la prison qu'est leur existence quotidienne peuvent leur coûter la vie.
Personne n'est seul sur sa planète: porter le voile, qu'on le veuille ou non, c'est s'inscrire dans ce monde-là. Une grande partie des filles et des femmes portant le foulard en France ne le font d'ailleurs que parce qu'elles y sont forcées, par la famille, le mari, les frères. C'est donc pour elles qu'il faut mener cette lutte: en solidarité avec la leur. Les enseignants et tous ceux qui s'opposent au foulard à l'école ont mille fois raison.
Mais si les femmes sont les premières victimes de la montée de l'obscurantisme religieux, elles ne sont pas les seules visées. Les hommes, et en particulier les travailleurs en feront aussi les frais. Il faut bien voir que c'est face à l'accroissement du chômage et des inégalités, face à l'appauvrissement et la marginalisation de toute une partie de la population du pays et du globe, que naissent et prospèrent les démagogues prêchant le repli sur la communauté ou la religion, excitant la haine des plus pauvres les uns contre les autres. Ainsi en est-il des Le Pen et compagnie, de tous ceux qui distillent leur poison d'extrême-droite au nom de l'identité nationale et de la «Chrétienté». Ainsi en est-il de leurs pendants qu'on rencontre dans les courants tout autant d'extrême droite islamistes ou juifs. Ces gens-là font tout ce qu'ils peuvent pour faire oublier les intérêts communs qui pourraient unir les travailleuses et les travailleurs par delà leur origine, leur langue, ou même leur religion s'ils en ont.
Les politiciens qui, pour des calculs électoraux, ne trouvent pas mieux que d'exploiter ou flatter les préjugés religieux réactionnaires, contribuent consciemment à jeter de l'huile sur le feu. Mais ceux qui prétendent combattre ces préjugés sans rien faire pour changer la situation sociale, ne font qu'apporter de l'eau au moulin des religieux réactionnaires.
L'ordre capitaliste repose sur le principe même de l'inégalité. Et l'inégalité fondamentale, celle qui oppose travailleurs et patrons, s'appuie elle-même sur mille autres divisions. Divisions entre hommes et femmes, entre immigrés récents et Français dits «de souche», entre communautés culturelles ou religieuses. On sait qu'aujourd'hui en France les salaires des femmes sont, à travail égal, bien inférieurs à ceux des hommes. Ou que les enfants d'Algériens par exemple, sont quatre fois plus souvent au chômage que les autres... Oui, c'est sur les divisions entre exploités que le capitalisme prospère.
L'offensive des intégrismes religieux et communautaristes doit être mise en échec: il est nécessaire que ceux destinés à en faire les frais, les femmes mais aussi les hommes, se battent contre ces préjugés qui devraient être d'un autre siècle. Il faut refuser tout ce qui tend à nous mettre dans des cases, chrétiens, juifs ou musulmans, noirs, blancs, beurs. Car du point de vue des patrons, le racisme, l'oppression des femmes ou les préjugés religieux présente le même intérêt: nous faire oublier la division sociale fondamentale, celle qui nous oppose à eux. Nous diviser pour mieux régner.
Editorial des bulletins d'entreprises l'Etincelle de la minorité du lundi 22 décembre 2003