En région Nord-Pas-de-Calais, l'industrie automobile pèse lourd: cinq constructeurs différents (PSA, Renault, Toyota, Fiat, Daimler-Chrysler) sont présents, ainsi que vingt et un équipementiers automobiles. Au total, cela représente 52000 emplois et 9,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Les directeurs de toutes ces usines se sont regroupés dans l'ARIA (Association Régionale de l'Industrie Automobile) afin de défendre leurs intérêts communs. Début décembre, ils ont expliqué qu'ils voulaient «tirer la sonnette d'alarme». Chacun y est allé de son petit couplet pour illustrer le thème commun: «Nous payons trop de taxe professionnelle, les salaires sont trop élevés, nos ouvriers ne travaillent pas assez et nous allons devoir partir si cela continue»!

Le directeur de l'usine Toyota à Onnaing, près de Valenciennes, lui, ne pouvait pas encore parler de taxes. En effet, son usine en est encore exonérée pour quelques années. Il n'a pas non plus osé regretter le manque d'aides publiques car son usine sort d'en prendre, et pas qu'un peu: l'État, le Conseil régional, le Département, la Communauté de communes du Valenciennois ont largement mis la main à la poche pour financer l'arrivée de Toyota, au lieu de consacrer cet argent à des dépenses publiques. Et avec 4,2 milliards d'euros de bénéfice au niveau mondial pour les six derniers mois (plus de 3300 euros mensuels, le triple d'un salaire net ouvrier, pour chacun des 210000 salariés!), les actionnaires de Toyota roulent sur l'or...

Alors, ce sont les autres directeurs qui ont parlé. En voici un petit florilège: pour Renault, le directeur de MCA Maubeuge qui fabrique la Kangoo s'est plaint de devoir payer 600000 euros de taxes en plus en 2003. «Cela fait 3 euros de plus par Kangoo produite, a-t-il dit, vous vous rendez compte de ce que cela représente?». Et en effet, on se rend compte de ce que cela représente sur un modèle vendu plus de 15000 euros, et dont les frais de fabrication sont amortis depuis longtemps!

Le directeur de Renault-Douai s'est plaint de l'aspect «déraisonnable» de la taxe professionnelle qui «a été augmentée de 2,35% en neuf ans». Mais pour ce monsieur, l'augmentation de la productivité de son usine n'est pas «déraisonnable»: il y a neuf ans, elle produisait 1400 véhicules par jour avec 7000 travailleurs. Aujourd'hui, elle produit plus de 2000 véhicules par jour avec 1000 travailleurs de moins! On en est à deux Mégane par minute. Le profit a ses raisons que la raison ignore...

Par contre, il y a des chiffres qui le révoltent: «Le coût humain en France est de 25 euros contre 8 euros en Slovénie ou 2 euros en Roumanie». Il n'est pas allé jusqu'à réclamer le retour au travail gratuit de l'esclavage, c'est déjà ça!

Le directeur de l'usine STA (Société des Transmissions Automatiques) à Ruitz dans le Pas-de-Calais a vanté ses propres mérites: «Pour obtenir la fabrication de notre nouvelle boîte de vitesses automatique, nous avons dû nous battre contre des Hongrois pour réussir à convaincre PSA de nous faire confiance». Voilà une bataille héroïque qui mériterait sans doute une médaille.

Et puis, ont déclaré en choeur tous ces directeurs, «Nous travaillons (admirez le «nous») un mois de moins en heures annuelles que les autres grands pays concurrents».

Tous ces assauts d'hypocrisie avaient pour but de faire pression sur les politiques pour que les entreprises aient toujours plus de subventions et de dégrèvements fiscaux. C'est ce que leur offre déjà le gouvernement Raffarin, comme le faisait Jospin avant lui. Mais elles n'en ont jamais assez...