Le conflit au quotidien Le Parisien : Amaury n'a pas réussi son mauvais coup !22/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1719.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Le conflit au quotidien Le Parisien : Amaury n'a pas réussi son mauvais coup !

Comme il y a 25 ans, le groupe Amaury (qui publie entre autres Aujourd'hui en France , Le Parisien , l'Équipe , France football ...) se complaît dans son rôle de tête de file des patrons de presse dans les mauvais coups infligés aux travailleurs et à la liberté de la presse.

Déjà en 1975, le père Amaury (Émilien) avait fait déménager son imprimerie pour tenter de se débarrasser des ouvriers du Livre CGT et les remplacer par d'autres, moins payés, moins organisés et surtout moins nombreux.

Une lutte longue et acharnée des ouvriers de presse avait en grande partie fait capoter ses projets.

Aujourd'hui, le fils (Philippe) décide de faire sortir Le Parisien du système de distribution NMPP qu'il juge inadapté à ses besoins, et de le remplacer par son propre réseau.

Les NMPP sont, depuis 1947, une coopérative d'éditeurs de presse qui cotisent, chacun selon sa taille, à un fonds de péréquation qui permet à tous les titres, petits ou gros, d'être distribués partout en France de la même manière. Les gros éditeurs (les plus riches), peu enclins à payer pour les plus pauvres, et qui se soucient comme d'une guigne de la liberté de la presse, ont toujours tenté de faire voler en éclats ce système qu'ils qualifient d'"inadapté et coûteux".

Pour l'instant, la loi Bichet contraint les éditeurs de la presse quotidienne nationale (PQN) à rester dans le système NMPP. Ce qui n'est pas le cas pour la presse régionale (PQR). Un jugement en appel a condamné Le Parisien à rester aux NMPP, considérant que Aujourd'hui en France (son édition nationale) était un titre de presse nationale.

Pas démonté, Amaury décide de distribuer Le Parisien par son propre réseau, et d'arrêter la parution de Aujourd'hui en France (mettant, au passage, en danger les emplois liés à ce titre).

Ce subterfuge lui permet de présenter Le Parisien comme un titre de la presse régionale qui échappe juridiquement aux obligations de la loi Bichet.

Le groupe Amaury apparaît une fois de plus comme un franc-tireur, mais en réalité, les autres éditeurs sont très attentifs au déroulement de ce conflit car si Amaury réussissait son coup, ce serait le signal pour que tous les autres s'engouffrent dans la brèche.

Le groupe Hachette, filiale de Lagardère, est opérateur à 49 % des NMPP, dirigeant et principal coopérateur de ce système dont il ne veut plus. Il détient aussi 25 % du capital du Parisien. Il est donc en bonne position pour, avec Amaury, construire un nouveau système de distribution qui ne réponde qu'aux lois du profit et qui soit débarrassé des ouvriers CGT des NMPP qui, jusqu'alors, ont mis leurs plans en déroute.

Voilà pourquoi les ouvriers, employés et cadres de la presse se sont mobilisés pour faire échouer Amaury.

Des arrêts de travail ont eu lieu sur l'ensemble des titres de presse parisienne pour faire sentir à tous les éditeurs qu'ils ont bien compris leur manoeuvre.

La grève du 12 juin

Mardi 11 juin au soir, où la décision fut prise d'observer 24 heures de grève sur l'ensemble des titres, nous sommes allés à plusieurs centaines, à Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis, pour empêcher la sortie du Parisien de l'imprimerie, contents d'être aussi nombreux, déterminés dans une épreuve de force aussi décisive pour l'avenir de nos emplois.

A 1h du matin, la direction du groupe Amaury a été obligée de jeter l'éponge et d'annoncer l'annulation de l'édition du Parisien et de L'Équipe pour la soirée.

Mercredi 13 juin à 14 h 30, suite à la grève de 24 heures qui a bloqué l'ensemble de la presse quotidienne nationale, nous avons, à plusieurs centaines, accompagné la délégation syndicale qui allait rencontrer la ministre de la Communication, Catherine Tasca.

Celle-ci, souffrante, a délégué son adjoint. Ce dernier a vaguement promis une aide financière exceptionnelle pour rééquilibrer le système de distribution NMPP. C'est bien sûr plus facile de puiser dans les finances publiques que d'imposer au patronat de payer ce qu'il doit. Et quand il lui a été demandé de se prononcer sur l'attitude scandaleuse du groupe Amaury et de la direction de France-Soir, il a battu en retraite.

Qui ne dit mot consent, les ouvriers du Livre de la presse parisienne, on s'en doutait, ne pourront pas compter sur les pouvoirs publics dans cette épreuve de force avec les éditeurs.

Un recul d'Amaury

Le soir même nous étions 300 à bloquer les grilles de l'imprimerie de Saint-Ouen pour empêcher la sortie du Parisien et de L'Équipe, et de même les jours suivants. Samedi 16 juin nous étions même plus de 500 pour empêcher la sortie de L'Équipe magazine.

Devant notre détermination, Amaury a finalement accepté de discuter avec le syndicat du Livre CGT, poussé dans ce sens par les autres éditeurs inquiets de voir la situation s'envenimer. Au final, la société SDVP, créée pour distribuer Le Parisien hors NMPP avec des salariés au statut indéfini, deviendra filiale des NMPP. Par ce biais, Le Parisien revient dans le système coopératif, avec néanmoins le réseau ou "maillage" qu'il souhaitait, pendant que des discussions devraient démarrer pour rapprocher le statut des salariés de SDVP de celui des NMPP.

C'est donc une démonstration de force et de solidarité, et les patrons de presse qui avaient parié sur notre affaiblissement en ont été pour leurs frais. Voilà qui va peser sur les rapports à venir avec nos employeurs, et en premier lieu avec la direction de France-Soir qui prévoit un plan de licenciement de quatre-vingts personnes.

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