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- Lutte ouvrière n°1719
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Editorial
Loi Guigou, cautère sur une jambe de bois : Il faut interdire les licenciements !
Malgré le sursis de trois mois donné mardi 19 juin par le tribunal de commerce, des milliers de travailleurs des compagnies AOM et Air Liberté, des ouvriers d'entretien aux pilotes en passant par les employés, restent menacés d'être licenciés. On affirme qu'il n'y a pas le choix car l'entreprise est en déficit. Mais le principal actionnaire de l'entreprise, le groupe Marine-Wendel dont le baron Seillière est le président, lui, n'est pas en déficit. Seillière considère qu'après avoir suffisamment encaissé leur part de profit dans le passé, les actionnaires de son groupe ont intérêt à retirer maintenant leurs capitaux pour les placer ailleurs. Quitte à faire 2 000 chômeurs de plus ! Son choix est identique pour Valéo, avec 600 licenciements à la clé. Même comportement de la part de Bata, multinationale de la chaussure qui, pour enrichir encore plus ses propriétaires, ferme son usine de Moussey, et tant pis pour les travailleurs comme pour la région.
Certains ministres "désapprouvent" l'attitude de Seillière, d'autres parlent de scandale. Mais le gouvernement ne fait rien. Il est au service de cette organisation économique où les possesseurs de capitaux disposent à leur guise de la vie des travailleurs qui les ont enrichis.
Une trentaine de grandes entreprises ont des plans de licenciements en cours. La plupart rapportent de gros profits et sont riches à milliards, et même quand ce n'est pas le cas, leurs actionnaires le sont. Et combien d'autres plans se préparent dans le secret des conseils d'administration ?
Tous les travailleurs, quels qu'ils soient, sont en fait sous la menace de licenciements collectifs. Ce n'est pas la nouvelle loi Guigou qui les en protégera. Après avoir joué les matamores pour la galerie, le PCF a voté cette loi et ses dirigeants ont même le cynisme de crier victoire. Mais la loi Guigou, même avec les amendements du PCF, n'empêchera pas un seul licenciement. La seule innovation est l'invention d'un médiateur que le CE pourra saisir. Mais si le CE et le médiateur peuvent donner un avis, c'est toujours le patron qui décide. Cela revient au mieux à prolonger le préavis de licenciement d'un mois ou deux. Mais qu'est-ce que cela changera pour les travailleurs jetés à la rue après vingt, trente ans ou plus dans l'entreprise et dont beaucoup n'ont plus d'espoir de retrouver du travail, si ce n'est un travail précaire, mal payé, avec ce que cela implique comme perte pour la retraite ?
En votant la loi Guigou, la direction du PCF a choisi le camp des licencieurs. Elle gardera peut-être ses ministres mais elle ne l'emportera pas au paradis. Malheureusement, ce sont les travailleurs en général et les militants du PCF en particulier qui en paieront le prix.
Pour protéger les travailleurs, il faut interdire les licenciements sous peine de réquisition. Les profits des entreprises doivent servir à financer le maintien des emplois. Que ces profits soient accumulés dans l'entreprise même ou qu'ils aient déjà été répartis parmi les actionnaires, l'argent existe, même si son utilisation est cachée par le secret des affaires.
Lâchés par leurs semblables, Roland Dumas, ex-ministre et ex-président du Conseil constitutionnel, et Le Floch-Prigent, ex-PDG d'Elf, commencent à se mettre à table et à lâcher des faits et des noms, comme des petits voyous pris en faute. Ce n'est qu'un petit rayon de lumière sur la réalité. Et cette réalité, c'est que les milliards accumulés par la sueur des travailleurs, par l'aggravation de leurs conditions d'existence et, le cas échéant, par les licenciements, alimentent des circuits de corruption au vu et au su des sommets de l'Etat, et surtout sont gaspillés par un système économique dément.
Voilà pourquoi les travailleurs doivent modifier le rapport de forces pour contrôler la comptabilité des entreprises et la fortune de leurs actionnaires. Ce contrôle démontrerait non seulement que les licenciements collectifs ne sont jamais justifiés, mais qu'il y a largement assez d'argent pour donner du travail à tous avec un salaire correct. Il faut frapper les licencieurs à ce qui remplace leur coeur, c'est-à-dire à la caisse.