Algérie : Malgré la brutalité du pouvoir et les menaces, le mouvement se développe22/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1719.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : Malgré la brutalité du pouvoir et les menaces, le mouvement se développe

Depuis le jeudi 14 juin, où le pouvoir algérien a non seulement empêché le déroulement de la manifestation d'Alger qui rassemblait des centaines de milliers de personnes qui voulaient remettre leurs revendications au gouvernement, mais où il a cherché à provoquer des affrontements entre les forces de police et les manifestants, voire entre ces derniers et certaines bandes de jeunes de la capitale, les foyers de tension se sont multipliés en Algérie.

Dans la majorité des villes et villages de Kabylie, où depuis le début des événements sans doute plus de cent jeunes ont été tués par la gendarmerie et où le nombre de blessés se compte par milliers, les affrontements sont de plus en plus fréquents et dramatiques. Les témoignages décrivent des provocations policières de plus en plus fréquentes. Ce sont les gendarmes qui harcèlent les jeunes, les provoquent, les tabassent, les pourchassent dans les rues et les maisons où ils terrorisent au passage les familles. Et quand les jeunes se regroupent et ripostent, quand éclate une nouvelle émeute, il n'est pas rare que les gendarmes tirent à bout portant.

Mais chaque jeune tué est une raison de plus pour les autres de continuer cette lutte contre le pouvoir, une lutte qu'ils veulent "sans pardon".

Jusqu'à présent, loin de régresser, le mouvement de révolte contre la misère et contre ces militaires sourds aux revendications de la population, méprisants et brutaux, semble continuer de se développer. Dans la région des Aurès, dans les villes de l'Est, en particulier à Annaba qui est un port important où des affrontements avaient eu lieu avant la manifestation d'Alger, les tensions s'accentuent encore.

Et c'est sans doute ce qui inquiète le pouvoir. Jusqu'à présent, sa propagande visant à présenter ce mouvement comme un mouvement strictement kabyle, étranger aux intérêts du reste de la population algérienne, n'a pas réussi à l'isoler. Ceux qui s'expriment au nom du mouvement mettent en avant les revendications sociales, la lutte contre les injustices et les privilèges. La reconnaissance de la langue berbère est présente, mais comme un droit qu'il faut imposer parmi d'autres : celui d'avoir un emploi, un logement, celui d'être respecté et entendu par le pouvoir. Or ces droits sont bafoués dans les classes populaires de toute l'Algérie et c'est bien pourquoi le pouvoir cherche tous les moyens de creuser un fossé entre la jeunesse de Kabylie et celle des autres régions. Et l'espoir, c'est que ce soient les jeunes en révolte qui gagnent cette course de vitesse.

En guise de réponse à la mobilisation du 14 juin, le président de la République Bouteflika, qui apparaît de plus en plus comme un fusible entre les mains des militaires, a annoncé que "jusqu'à nouvel ordre" toute manifestation serait interdite à Alger. Mais entre proclamer une interdiction menaçante et arrêter le développement de la solidarité vis-à-vis des jeunes des villes de Kabylie, des Aurès ou de l'Est à Alger, et stopper la contagion de la révolte, il y a loin.

Mais le pouvoir en crise s'apprête à mener une guerre sans merci contre ceux qui le menacent. Bouteflika démissionnera peut-être, mais le même état-major qu'aujourd'hui restera en place. Il cherchera peut-être à s'appuyer sur des partis partisans de simples réformes démocratiques et à qui il concéderait quelques miettes, pour casser le mouvement de contestation. Il peut aussi chercher des soutiens du côté des islamistes, et aussi préparer patiemment et cyniquement, au fil des provocations et des affrontements, les conditions d'une répression systématique.

Mais en attendant les jeunes algériens qui s'affrontent avec le pouvoir veulent que leur vie change. Ils doivent savoir qu'ils peuvent compter sur la solidarité des travailleurs - quelle que soit leur nationalité - qui vivent ici, en France.

Le problème de l'avenir de cet ample mouvement nous concerne d'autant plus que nombreux sont les travailleurs algériens immigrés en France qui viennent de villes et de villages où se passent de graves événements.

Mais il nous concerne aussi parce que la situation dramatique dans laquelle se trouve le peuple algérien pas seulement aujourd'hui, mais depuis longtemps est la conséquence de la colonisation menée par l'Etat français, celle de la guerre barbare qu'il a imposée au peuple algérien lorsqu'il a voulu conquérir son indépendance, celle du pillage de l'économie algérienne par l'impérialisme, français en premier lieu, qui a continué après l'indépendance.

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