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Bulgarie : Un roi sorti de l'urne
C'est donc le parti de l'ex-roi de Bulgarie, le Mouvement National de Siméon II - qui avait régné, en théorie, entre l'âge de 6 et celui de 9 ans avant d'être chassé en 1947 - qui a remporté les élections législatives dans ce pays en obtenant 43 % des suffrages, ratant d'un siège la majorité absolue. Les deux autres partis, l'Union des Forces Démocratiques (au pouvoir depuis 1997) et le Parti Socialiste (l'ex-PC) obtiennent respectivement 18 et 17 % des suffrages. Le reste va au parti de la minorité turque (6,7 %). 30 % n'ont pas voté. Bon prince, le vainqueur a proposé un gouvernement de "coalition avec toutes les forces qui partagent les idées principales" de son programme.
Le parti de l'ex-roi a largement bénéficié de la déception de la population face à la situation. Dans le premier centre industriel du pays, à Pernik, les aciéries, les mines sont désormais abandonnées. Avant 1989, ce complexe industriel, à la pointe de l'économie bulgare, employait 30 000 travailleurs. Les restructurations, les privatisations en ont jeté à la rue 22 000 et aucune autre activité n'est apparue.
Les travailleurs licenciés ont dû survivre avec une allocation chômage qui en dix ans a réduit de plus des deux tiers, passant de 700 à 210 francs par mois. Et pour ceux qui ont gardé un emploi, leurs droits sont foulés au pied. Une ouvrière, citée par Le Figaro, rapporte : "Les lois qui protègent les ouvriers sont bafouées. Surtout dans le privé. Je ne suis pas communiste mais au moins à l'époque on était respectés. Dans mon usine la direction nous donne 105 francs par mois, ils disent qu'ils ne peuvent pas payer plus et que si on n'est pas content on peut partir. On ne peut même pas leur faire un procès puisque ensuite on ne retrouverait plus de travail. De toute façon, ça ne sert à rien, il n'y a jamais de condamnation." Un autre constate que "la bureaucratie et la corruption sont toujours insupportables et le pouvoir est aux mains d'un petit cercle de privilégiés".
Les voix obtenues par l'ex-roi viendraient surtout des villes et des villages de province tombés dans la misère depuis 1989, des chômeurs et de ceux qui, peu qualifiés, ont du mal à s'adapter aux exigences du patronat privé.
Comme d'autres aventuriers en politique avant lui, l'ex-roi n'a pas été avare de promesses, promettant l'augmentation des salaires et des retraites. C'est du moins le discours qu'il a tenu à la population. En direction des grandes puissances, il en tient un autre, il parle de mettre fin au déficit public et promet une inflation basse, ce qui annonce déjà de nouveaux sacrifices pour la population.
Mais plus que son programme plutôt flou, c'est sans doute son slogan, "Honnêteté en toute chose", qui a été pris au sérieux par une partie des électeurs et peut-être aussi le fait qu'il s'agisse de l'ex-roi.
C'est bien sûr un mirage, et il n'y a rien de plus à attendre de l'ex-roi et de son mouvement politique que des partis politiques qui l'ont précédé. Il arrive entouré d'économistes distingués, des arrivistes d'origine bulgare partis faire carrière aux Etats-Unis ou en Europe, qui ne vont pas tarder à considérer l'économie bulgare comme un nouveau terrain d'expériences si possible fructueuses, mais qui se soucient comme d'une guigne des conditions de vie et d'existence de la grande majorité de la population. L'ex-roi semble aussi avoir des liens avec une holding liée à la mafia russe.
En Bulgarie, comme dans tous les pays de l'Est européen, depuis la chute du mur de Berlin, la dictature de type stalinien a été remplacée par celle de politiciens corrompus et d'affairistes sans scrupules, tandis que la pauvreté et le chômage se sont étendus. Ce n'est pas parce que le nouveau dirigeant est un ex-roi qu'il risque de déroger à la règle. Au contraire, il n'y aura peut-être pas longtemps à attendre pour que le nouveau venu, en appelant à son secours le souvenir de ses grands ancêtres, montre à tous qu'à ses yeux la Bulgarie reste son fief et ses habitants, ses sujets.