Marché de l’électricité : La libéralisation contre le service public22/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1693.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Marché de l’électricité : La libéralisation contre le service public

Une Bourse de l'électricité est en train de se mettre en place à Paris, dans le cadre de la libéralisation du marché de l'électricité, à l'échelle européenne. N'importe quel producteur européen pourrait entrer en concurrence avec n'importe quel autre. C'est d'ailleurs déjà en partie chose faite, d'une manière qui varie selon les pays. Mais pour que cette concurrence soit réalisable, dans le cadre du capitalisme, et que les prix soient publics, il faut une Bourse ouverte à tous. En réalité, la plupart des gros consommateurs d'électricité utiliseront sans doute des contrats à long terme (avec des prix secrets, comme aujourd'hui) qui leur garantissent la sécurité de l'approvisionnement, et ne téléphoneront pas chaque jour à la Bourse pour savoir à qui acheter leur courant. Il existera à côté du marché boursier dit «spot», des contrats réguliers, comme pour le pétrole.

Cela dit ce n'est pas précisément une simplification, même si cela ne concerne, pour le moment, que les très gros consommateurs, industriels et autres.

A l'échelle de l'Europe, cette libéralisation était censée favoriser la concurrence et faire baisser les prix. C'est vrai pour certains pays (l'Allemagne) mais en fait de libre concurrence, on assiste au développement de trusts immenses, un, deux ou trois par pays (Endesa en Espagne, RWE et E. ON en Allemagne, etc.) qui ont des positions de monopoles et prennent entre eux des participations croisées.

En France, si EDF reste toujours une entreprise d'Etat, elle a depuis fort longtemps pris des participations à l'étranger, y achetant de nombreuses sociétés. Elle vient de créer, en France même, une filiale commune avec un producteur de chauffage urbain, Dalkia, elle-même filiale de Vivendi.

Parallèlement la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), société d'Etat qui exploite les barrages hydroélectriques sur le Rhône, se retrouve maintenant en position de concurrence avec EDF, alors que les deux entreprises publiques avaient jusque-là toujours fonctionné ensemble. Mais la CNR n'a pas de secteur commercial : elle vendait son courant à EDF. Pour cette commercialisation, la CNR et Electrabel, filiale de Suez-Lyonnaise des Eaux ont créées une filiale commune : Energie du Rhône. Il n'est toujours pas, pour le moment, question de privatiser la CNR. Il n'empêche que les capitaux publics et les capitaux privés sont de plus en plus étroitement mêlés... et que ces derniers y trouvent leur compte.

Les salariés de la CNR se sentent menacés et viennent de faire trois semaines de grève en paralysant la navigation sur le Rhône. Du coup le gouvernement a dû reporter la mise en oeuvre du projet, de façon à préciser un certain nombre de points qui avaient été laissés de côté, ce que contestaient les syndicats. Mais ce n'est que partie remise.

La libéralisation de l'électricité contient à terme la vraisemblable privatisation d'EDF, même s'il n'en est officiellement pas question pour le moment (surtout tant qu'EDF a une centaine de milliards de dettes...). En quoi cette situation constitue-t-elle un progrès, et pour qui ? Sûrement pas pour les consommateurs, et pas non plus pour l'organisation générale de la production. Aux Etats-Unis, par exemple, où l'électricité est privée depuis longtemps, la Californie connaît une grave pénurie de courant, les producteurs n'ayant pas assuré les besoins.

Il aurait mille fois mieux valu fusionner toutes les entreprises publiques européennes qui existaient il y a encore quelques années (et dont EDF demeure presque la seule) pour constituer un service public de l'électricité à l'échelle européenne. Mais cela ne pourra se concevoir, semble-t-il, que lorsqu'existeront les Etat-Unis d'Europe et plus précisément les Etats-Unis socialistes d'Europe.

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