Pologne - Dans l’Union Européenne ou pas : Un retour en arrière22/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1693.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pologne - Dans l’Union Européenne ou pas : Un retour en arrière

Au moment où l'on discute de l'entrée dans l'Union Européenne des nouveaux pays candidats, ce qui se passe en Pologne ces derniers temps est un exemple des problèmes posés. Cette entrée dans l'Union Européenne risque d'avoir des retombées favorables pour certaines classes sociales, mais dramatiques pour d'autres.

Pour une partie de la bourgeoise qui tire l'essentiel de son revenu des relations économiques avec les pays impérialistes d'Europe de l'Ouest, les perspectives paraissent sans doute encore plus florissantes avec l'entrée dans l'UE. Mais pour la population laborieuse, paysanne ou ouvrière, les conséquences risquent d'être beaucoup moins réjouissantes, voire catastrophiques.

Inquiétant pour la population agricole...

Une des premières visées risque d'être la paysannerie polonaise. Sur les dix millions de ruraux et les deux millions d'exploitations que compte la Pologne, beaucoup sont très morcelées et toutes petites.

D'ores et déjà sont sinistrés les salariés des ex-PGR, les grandes fermes d'Etat, surtout situées au nord et à l'est du pays, qui étaient en 1989 au nombre de 1 271, et qui comptaient 1,7 million de paysans employés. Les PGR ont été démantelés, la quasi-totalité de leurs salariés est au chômage, dans des régions très peu industrialisées. Et la seule chose dont se soucie le gouvernement polonais est de rendre, avec la bénédiction de l'Union Européenne qui voit en cela un des signes d'une mise aux «normes» occidentales, leurs châteaux, palais et manoirs aux anciens propriétaires de ces terres, à qui elles avaient été confisquées lors de la réforme agraire d'après la Seconde Guerre mondiale.

Quant aux autres paysans, les manifestations de colère de ces dernières années ont montré que, même non encore intégrés à l'Union Européenne, ils subissaient déjà le contrecoup de l'intensification des exportations de celle-ci vers la Pologne. Les protestations des agriculteurs ont ainsi touché successivement plusieurs produits : la viande de porc et les céréales entre autres, et cela d'autant plus que les exportations de l'agriculture polonaise vers l'Est se sont effondrées.

Dans un cadre élargi, l'Union Européenne annonce la couleur puisque dans les négociations préliminaires, il est question que, même entrés dans l'UE, les paysans polonais n'aient pas droit aux aides de la Politique Agricole Commune, mais passent par une «période transitoire». En revanche, des contrôles sanitaires sont déjà à l'étude, car les produits polonais ne seraient pas aux normes européennes. On imagine sans mal que cela va favoriser la circulation en Pologne des produits des gros producteurs des pays d'Europe occidentale, tandis que les petits paysans polonais paieront la note et risquent de disparaître.

...et peu rassurant pour la classe ouvrière

Il en va un peu de même pour la classe ouvrière : avant même que l'entrée dans l'Union Européenne soit accomplie, les entreprises étrangères se sont multipliées en Pologne. Ainsi, dans ce pays qui est le plus grand et le plus peuplé des ex-Démocraties populaires (312 000 km2, 38,7 millions d'habitants) et qui possédait autrefois sa propre industrie automobile, il n'y a plus à l'heure actuelle aucun fabricant polonais, toutes les usines ayant été rachetées, principalement par Fiat, déjà présent depuis longtemps en Pologne, et Daewoo, GM, Ford, Volvo. Le secteur bancaire est presque totalement passé sous domination des grandes banques d'Europe, et il en est de même d'une multitude d'autres secteurs économiques.

Sur environ 8 500 sociétés qui avaient été recensées comme privatisables, plus de 5 000 ont été privatisées cette dernière décennie. Le secteur privé réalise actuellement 60 % du PIB et emploie 65 % des salariés.

Pour certains travailleurs polonais de ces entreprises rachetées, cela a signifié le chômage à cause des fermetures de sites, ou des restructurations et plans de licenciements. Le chômage dépasse désormais les 14 % de la population active, soit 2 548 000 personnes.

Pour d'autres travailleurs, cela a parfois signifié des salaires un peu meilleurs, mais de façon parfois précaire, comme l'illustrent les problèmes actuels chez Daewoo.

Daewoo s'est implanté en 1995 en Pologne, rachetant le Renault polonais, FSO, et y produisant des petites et moyennes voitures comme la Matiz et la Lanos. Mais cette année, les ventes de Daewoo ont chuté de 35 % au cours des dix premiers mois. Des hausses des carburants, des polices d'assurances, des taxes, une meilleure vente des voitures étrangères non fabriquées en Pologne, car l'Union Européenne a obtenu la baisse des taxes sur l'entrée des voitures qu'elle fabrique, expliquent peut-être cela. Mais il est possible aussi que s'annoncent des lendemains moins faciles en Pologne pour les constructeurs automobiles, du fait qu'ils ont peut-être saturé un marché d'acheteurs qui s'est vite développé ces dernières années, mais qui est globalement limité par le bas niveau de vie de la majeure partie de la population. Toujours est-il que Daewoo annonce la suppression de 1 200 emplois sur 6 200 dans son usine de Lublin, a mis trois semaines au chômage technique les 5 500 employés dans celle de Varsovie, et la presse évoque la vente de certaines de ses usines.

On pourrait multiplier les exemples du même genre. Ainsi, la presse polonaise a présenté l'achat par France Telecom d'une partie des actions de TPSA, l'opérateur national de téléphone polonais privatisé, comme quelque chose de favorable aux travailleurs, la France jouissant d'une réputation sociale, car on y fait les 35 heures (!), mais elle a oublié d'évoquer le sort des salariés de Polkolor, acheté par Thomson en 1991, et qui sont passés de 6 000 à 4 600 dans l'usine de Piaseczno !

Des hommes politiques prêts à faciliter les attaques contre la population

En octobre, c'est Kwasniewski qui, déjà élu président de la République, vient de remporter son deuxième mandat, au premier tour, avec 53,9 % des voix. Et s'il gouverne encore actuellement avec une Assemblée de droite élue en 1997 - la cohabitation se pratique aussi en Pologne - il est possible qu'au terme de nouvelles élections l'Assemblée cette année change de majorité.

Mais, même si Kwasniewski appartient à l'ex-PC reconverti, même si autour de ce parti se forme pour les élections à venir une coalition de partis dits de gauche, il faudrait avoir une bien mauvaise vue pour discerner dans l'élection présidentielle d'octobre un succès d'un candidat de gauche.

«La Pologne cherche son centre», ont écrit certains journaux au sujet de cette élection présidentielle. Un «Tony Blair polonais», écrivait le journal Le Monde, faisant le portrait de Kwasniewski, adhérant en 1977 au POUP, le PC polonais, alors que la Pologne connaissait une opposition grandissante au régime. Il fut ministre des Sports en 1985, participant aux accords de 1989 par lesquels le gouvernement négocia la passation de pouvoirs avec Solidarité. Il réussit ensuite à faire revivre l'ex-PC. Sa femme Jolanta fait dans les oeuvres de charité et les génuflexions devant le pape, tandis que lui affirme qu'il est pour les privatisations, mais en veillant, prétend-il, au social !

Kwasniewski a donc drainé, outre l'électorat traditionnel de la coalition de gauche, une partie des voix de la droite, dont le leader est apparu comme peu attirant et dont la coalition apparaissait peu cohérente et à la merci des surenchères des petits partis d'extrême droite. Walesa, quant à lui, était perçu comme hors de la vie politique polonaise actuelle.

Un sondage réalisé en octobre donnait une idée du niveau de vie de la population : une famille sur trois déclarait appartenir à la catégorie des pauvres, avec un revenu mensuel par personne inférieur ou égal à 378 zlotys soit environ 630 F, et 12 % de la population déclarait 400 zlotys, (soit environ 670 F) de revenu mensuel.

Avant la Seconde Guerre mondiale, la Pologne, comme la plupart des autres pays d'Europe Centrale, pouvait être considérée comme une semi-colonie. C'est vers cette situation-là qu'elle retourne et c'est bien le sort que lui réservent, dans le cadre de l'Union Européenne, les pays impérialistes européens.

Partager