Europe - Parlement européen : Contre les postiers et les usagers de la Poste22/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1693.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Europe - Parlement européen : Contre les postiers et les usagers de la Poste

La dernière session plénière de l'année 2000 du Parlement européen ne manquait pas de sujets variés sur lesquels les députés étaient amenés à se prononcer. En vrac : les méfaits du tabac, l'harmonisation des taux de TVA, l'alimentation animale, le budget, la taxation des carburants d'avion, la banane, les services postaux, la sécurité maritime, la construction navale, les offres publiques d'acquisition, la solidarité entre les générations, les relations de l'Union européenne avec la Russie et l'Indonésie, la situation en Côte-d'Ivoire, en Tunisie ou au Chili, etc. Et, pour couronner le tout, Chirac est venu y dire sa satisfaction sur le sommet de Nice.

Arlette Laguiller a obtenu un temps d'intervention d'une minute pour commenter le rapport sur la Russie. Elle en a profité pour souligner que l'évolution de la Russie depuis dix ans se fait sur un fond d'appauvrissement de la majorité de la population laborieuse, pour conclure en ces termes : «En votant contre ce rapport, je veux souligner l'incapacité de l'économie capitaliste et du monde occidental d'apporter le progrès et le bien-être pour les peuples de la Fédération de Russie de même que pour la majorité des peuples de la planète».

Les députées de Lutte Ouvrière ont dénoncé les subventions aux entreprises privées, à l'occasion du rapport sur la situation de la construction navale. Armonie Bordes a souligné que le groupe «Alstom-Atlantique, qui vient de décrocher un contrat de construction pour un paquebot de luxe, touchera en subvention l'équivalent de 9 % du prix du contrat. Ainsi donc, c'est l'Etat qui paie une bonne partie, sinon l'intégralité, des profits de cette entreprise».

Chantal Cauquil a interpellé la vice-présidente de la Commission européenne à propos des suites du naufrage de L'Erika : «Le responsable n'est pas une société difficile à identifier, a-t-elle expliqué. C'est Total. [...] Pourquoi ne met-on pas sous séquestre ses profits jusqu'à l'indemnisation complète et rapide» des victimes «de la chasse criminelle aux profits» ? La vice-présidente lui a répondu que «ceux qui ont la capacité éventuelle de geler ou confisquer les profits de Total, c'est la justice française qui pourrait établir les responsabilités. C'est au gouvernement français, à la justice française, pas à la Commission, de faire cela.»

Mais le rapport le plus attendu était le rapport sur les services postaux. La Commission européenne avait proposé, entre autres, que tous les services postaux concernant des courriers dépassant 50 grammes soient ouverts à des capitaux privés. Le seuil actuel est de 350 grammes, elle proposait donc un bond rapide vers la privatisation et l'anéantissement du service public. Le commissaire chargé de ce rapport n'avait-il pas déclaré : «Pourquoi maintenir les services postaux ? Maintenant qu'il y a Internet, les gens n'ont qu'à se payer un ordinateur». Finalement, la Commission n'a eu le soutien que des ultra-libéraux et un compromis s'est donc élaboré dans les coulisses entre les socialistes, les Verts et la droite conservatrice pour que l'on passe des 350 grammes actuels à une étape intermédiaire de 150 grammes. Mais, comme l'ont expliqué les députées de Lutte Ouvrière, que le poids soit de «350, 150 ou, à plus forte raison, de 50 grammes», «que la privatisation soit progressive ou brutale, elle signifie de toute façon la liquidation du service public et elle aura des conséquences graves pour les travailleurs des services postaux».

Ce rapport a été également l'occasion d'une déclaration commune des députés de LO et de la LCR, lue par Alain Krivine, affirmant le rejet de «toute forme d'introduction des capitaux privés dans les services postaux. [...] Aujourd'hui, une version soi-disant «soft» de la proposition libérale de la Commission nous est présentée, notamment sur le seuil prix / poids à 150 au lieu de 350 grammes. La libéralisation «graduelle et maîtrisée» présentée par la présidence française comme un moindre mal est une façon hypocrite de livrer un service public essentiel à un marché ni maîtrisable ni maîtrisé, comme cela a déjà été fait pour France Télécom. Invoquer le réalisme, comme le fait la «gauche plurielle», pour tenter d'obtenir une solution de compromis avec une partie de la droite, est une façon de déguiser sa propre capitulation devant les intérêts privés».

En effet, les représentants du PCF ont accepté ce compromis et voté les amendements proposant 150 grammes, se contentant après ce coup bas de s'abstenir sur l'ensemble du rapport. La résolution législative issue de ce rapport a donc obtenu 359 voix «pour», 100 voix «contre» et 36 abstentions. La quasi-totalité du groupe socialiste (à l'exception de sept députés) a voté l'ensemble, les Verts (à une exception près) et Geneviève Fraisse, élue sur la liste «Bouge l'Europe», de la GUE (groupe des PC et Verts nordiques apparentés).

A gauche, seuls les députés de LO et de la LCR, trois députés du groupe de la GUE et une MDC, ont voté contre cette résolution. Les députés de LO et de la LCR ont été les seuls à rejeter à la fois la résolution finale et les amendements proposant les 150 grammes (par exemple l'amendement 38) et cela dans un Parlement qui avait déjà choisi de faire faire un pas de plus à la privatisation de la poste en Europe, tout en prétendant défendre ainsi un «service universel», au moment où il organisait sa braderie. Mais ce que les Etats européens cherchent à imposer, les travailleurs de La Poste et les usagers peuvent l'empêcher.

Pour ce rapport, comme pour l'essentiel des autres, le Parlement européen restait dans son registre : accélérer tout ce qui peut permettre la circulation des capitaux et des marchandises, en ne réservant aux conséquences sociales de ces décisions pour les salariés et les usagers, que des phrases creuses.

Le hasard de l'actualité fait que le Parlement a été amené à discuter sur un rapport qui, tout en se prétendant favorable aux retraites, envisageait de rendre souple l'âge de la retraite. Ce qui rejoignait la préoccupation du MEDEF sur une retraite «à la carte». La position des députées Lutte Ouvrière a ainsi été énoncée par Chantal Cauquil : «Ce n'est pas aux travailleurs de travailler plus longtemps pour que leurs cotisations compensent la pingrerie du grand patronat qui veut réduire la part patronale des cotisations vieillesse. Nous sommes absolument opposées à tout ce qui repousse l'âge de la retraite car nous pensons avant tout aux travailleurs de la production dont beaucoup sont usés bien avant l'âge légal, même dans les pays où il est relativement bas. Par ailleurs, comment promettre «la prospérité et la solidarité» aux anciens sans affirmer le droit pour chaque travailleur à une retraite décente, et j'appelle «retraite décente» l'intégralité du salaire».

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