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- Lutte ouvrière n°1693
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Ukraine - Tchernobyl : Les mêmes mensonges à l’Est qu’à l’Ouest
Le 15 décembre, les autorités ukrainiennes fermaient définitivement la centrale nucléaire de Tchernobyl, 14 ans après la catastrophe du 26 avril 1986.
Cette catastrophe aurait causé la mort de 15 000 personnes, disent les dirigeants de l'Ukraine actuelle. D'autres estimations évaluent à plus de 6 millions le nombre des personnes ayant été contaminées, à des degrés divers, entre l'Ukraine et la Biélorussie voisine.
Aujourd'hui encore, les populations de la région en subissent les conséquences. Le taux des cancers y est très supérieur à la moyenne européenne, surtout chez les enfants. La centrale est toujours entourée d'une zone déclarée interdite, parce que fortement contaminée : pourtant, près de 14 000 personnes y vivent encore. Sur les 600 000 ouvriers, pompiers, décontaminateurs, sauveteurs - souvent volontaires, et venus des quatre coins de l'URSS - ou militaires qui sont intervenus entre 1986 et 1990 sur les lieux de l'accident, beaucoup sont décédés. Un nombre encore plus grand est atteint de cancers et diverses pathologies dues à l'exposition aux radiations.
Ces victimes et leurs familles se trouvent d'ailleurs dans le plus dramatique dénuement : avec l'effondrement de l'URSS, les pensions d'invalidité ont cessé d'être payées (on a récemment vu des sauveteurs volontaires faire la grève de la faim, en Russie, pour toucher quelques sous), les soins les plus élémentaires ne sont plus assurés, les hôpitaux publics étant laissés à l'abandon par les autorités. Quant aux centaines de milliers de personnes qui ont été évacuées en 1986, elles se retrouvent souvent sans ressources et parquées dans des logements provisoires... depuis des années.
La situation, notamment en Ukraine, est telle que nombre de gens sont revenus travailler dans la région de Tchernobyl. Des paysans, parce qu'on y trouvait des terres, évidemment bon marché, et qu'il fallait bien nourrir sa famille. Des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs, des médecins, pour porter assistance à la population dont les autorités se désintéressent. Parfois aussi parce que les salaires sont, ailleurs, si bas (l'équivalent de 200 à 300 F mensuels... quand la paye est versée) que certains travailleurs en sont contraints, pour gagner leur vie, à l'exposer, ainsi que celle de leur famille, en espérant quelques compensations - d'ailleurs dérisoires en valeur absolue - sous forme de primes de risque.
En Occident, l'arrêt de la centrale a fait l'objet de nombreux reportages. Car, depuis des années, les États ouest-européens et l'Union Européenne font pression sur les autorités ukrainiennes pour qu'elles ferment Tchernobyl. Que cela soit catastrophique pour des dizaines de milliers de travailleurs qui dépendaient, à un titre ou à un autre, de l'activité de la centrale, les dirigeants occidentaux s'en moquent. Tout comme des problèmes énergétiques que cela va poser à une Ukraine qui ne dispose ni de pétrole, ni de gaz, ni guère de centrales hydro-électriques.
C'est d'ailleurs pour cela que les autorités ukrainiennes ne se pressaient pas de fermer la centrale. Voilà qui est fait. Et cela a été, à l'Ouest, suivi d'un concert de louanges. Ainsi, le secrétaire américain à l'Énergie, Bill Richardson, a déclaré : «L'Ukraine a dit adieu à son passé soviétique et bonjour à l'Occident !» Pour Richardson, ce très grave accident serait à mettre au compte du régime soviétique, comme si des pays tels la France et les USA étaient, eux, à l'abri de telles catastrophes. Mais qui a oublié que, même s'il fut moins grave que l'explosion de Tchernobyl, un accident majeur était survenu, sept ans avant, en 1979, à la centrale américaine de Three Mile Island ?
Il n'y a d'ailleurs pas eu plus de transparence en France ou aux USA qu'en URSS à la suite de l'explosion du réacteur de Tchernobyl. Certes, à l'époque, les dirigeants de l'URSS en minimisèrent la portée, la population ne fut pas réellement informée. Mais il n'y eut pas que la bureaucratie soviétique pour mentir. En France, on prétendit que le nuage radioactif avait épargné le territoire. Bien sûr, il s'agissait d'un mensonge, surtout en ce qui concerne les départements de l'Est les plus touchés.
Pour démanteler la centrale - une opération dont on nous dit qu'elle s'étalera sur cinquante ans - , l'Ukraine a reçu plusieurs centaines de millions de dollars. La presse d'ici a insisté sur cette aide, la présentant comme généreuse. Mais on a moins dit qu'une grande partie de cette «aide» revient dans la poche des prêteurs, ou plutôt de leurs compagnies spécialisées dans le nucléaire et les grands travaux, les Framatome et Bouygues de France, d'Allemagne, des États-Unis, du Japon, etc.
Annoncée en fanfare, la fermeture de Tchernobyl ne règle pas tous les problèmes. Loin de là. Et d'abord pour les populations de la région dont le sort est le dernier des soucis des dirigeants locaux comme occidentaux.