États-Unis : Bush en rodage22/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1693.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : Bush en rodage

La Cour suprême des Etats-Unis a laborieusement départagé les deux candidats, sifflé la fin de la partie et accordé l'avantage au candidat républicain, George W. Bush. Depuis, les Démocrates se donnent du mal pour redonner un peu de légitimité au nouveau président américain et effacer l'impression fâcheuse laissée par cette crise électorale. Le président sortant, Clinton, a invité tous les Américains à «soutenir le président élu George W. Bush». Ce renvoi de la balle du camp démocrate vers les Républicains souligne l'accord existant entre les deux équipes, tant les uns et les autres défendent les mêmes intérêts, ceux des riches.

L'équipe Bush se recrute parmi ceux qui avaient déjà entouré Bush père entre 1988 et 1992, histoire de montrer que les Bush prennent leur revanche. Bush a choisi deux représentants de ce que les médias appellent la «communauté noire», le général Colin Powell, ancien vainqueur de la guerre du Golfe et ex-chef d'état-major de Bush père, qui prend le poste de secrétaire d'Etat, ainsi que Condoleezza Rice, ancienne conseillère du père qui prend en charge les Affaires étrangères. Cette nomination aura certainement satisfait la bourgeoisie noire, comme cela avait été le cas lorsqu'un juriste noir, aussi réactionnaire que les Bush, avait été nommé à la Cour suprême. En revanche, pour la masse des Noirs, dont certains étaient interrogés par les télévisions françaises, on a pu voir qu'ils ne mâchaient pas leurs mots et ne se faisaient guère d'illusions sur ces «Noirs qui n'ont jamais rien fait pour les pauvres».

Ces deux membres du gouvernement Bush sont en effet connus pour leurs idées réactionnaires. Powell a fait toute sa carrière comme un partisan de la guerre froide. «Sa» doctrine militaire : éviter l'intervention militaire, et si elle est inévitable, agir avec une force écrasante, pour assurer une victoire et une sortie rapide. Madame Rice, elle, se dit adepte de la dissuasion nucléaire. Elle a déjà fait savoir que, selon elle, les soldats U.S. sont là pour mener de vraies guerres et non pas accompagner des enfants à l'école. Comme on voit, des femmes se succèdent aux Affaires étrangères des Etats-Unis mais elles sont taillées sur le modèle de la Britannique Margaret Thatcher.

Il est trop tôt pour savoir ce que Bush va effectivement faire, mais il est certain que son élection va conforter dans leur opinion tous ceux qui véhiculent les idées les plus réactionnaires aux Etats-Unis. Bush est un militant de la peine de mort. En tant que gouverneur du Texas, il n'a jamais eu d'état d'âme sur cette question et refusé tous les recours en grâce. C'est un symbole. Le camp des adversaires de l'avortement, des racistes, des culs bénis et des défenseurs des valeurs les plus conformistes va se sentir des ailes.

Que peut faire l'équipe Bush ? On peut en avoir une idée en regardant ce que cette équipe a déjà fait au Texas où Bush s'est fait la main.

La Santé publique, dont le système a été largement démantelé sous la présidence Clinton, est mal lotie au Texas, pourtant extrêmement riche (on dit que c'est la onzième puissance économique du monde). Les dépenses de santé qui y sont consacrées placent cet Etat au 47e rang, quand on le classe selon les dépenses par habitant.

Sur les problèmes de pollution, Bush a mené au Texas, là où il s'est formé, la politique des compagnies pétrolières, qui ont la fâcheuse habitude de laisser les pipe-lines pourris éclater et polluer l'environnement. En tant que gouverneur, il a aidé les industriels pollueurs de cet Etat à échapper à leurs responsabilités.

On sait que Bush, lors de sa campagne, a envisagé de démanteler le système de retraite complémentaire et d'accélérer la privatisation de ce secteur. Il a promis une réforme des impôts, c'est-à-dire une réduction des impôts chiffrée à 1 300 milliards de dollars ; un cadeau qui devrait aller, pour l'essentiel, aux couches les plus riches.

Encore faudra-t-il que le grand argentier de l'économie américaine, le président de la banque fédérale, Alan Greenspan, donne son accord. C'est à lui que Bush vient de rendre sa première visite. A tout seigneur tout honneur et le dollar n'est pas roi pour rien. Pour l'instant, Greenspan ne donne pas de feu vert. Préoccupé par les signes de ralentissements de l'économie américaine, il préférerait que l'argent de cette réforme aille plutôt à l'allégement de la dette extérieure des Etats-Unis.

Une nouvelle équipe arrive à la tête de l'Etat américain, mais la société comme l'économie américaines sont sur leurs rails, lancées dans la direction souhaitée par les possédants. Les gestionnaires n'ont qu'une marge de manoeuvre limitée. C'est pourquoi, sur le fond, il n'y aura certainement pas de grandes différences dans les décisions que prendront les nouveaux venus. Comme leurs prédécesseurs, ils agiront pour que les grandes entreprises et les grandes fortunes américaines conservent leurs privilèges et les étendent encore plus.

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