Les riches grecs28/01/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/01/2426.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Les riches grecs

La crise a laminé les couches populaires grecques. Mais toute une frange de la population, bourgeoisie aisée, professions libérales dans les beaux quartiers, traders, hommes d'affaires, politiciens, a parfaitement su non seulement s'accommoder de la crise mais en profiter. Ces privilégiés pratiquent un « sport national », dont on accuse à tort la population dans son ensemble : l'évasion fiscale, qui coûte au pays, selon les estimations, de 10 à 40 milliards d'euros par an.

Mais les vrais capitalistes, on les trouve d'abord parmi les armateurs qui ne paient pas d'impôt sur le revenu ni sur les bénéfices. Jusqu'à il y a un an, ils ne s'acquittaient que d'une taxe forfaitaire sur le tonnage des navires immatriculés en Grèce, soit environ le quart de la flotte et prétendaient en faire assez pour le pays avec leurs fondations culturelles. En 2013, ils ont accepté de verser une contribution volontaire pendant trois ans, un geste que Samaras, ex-Premier ministre de droite, a qualifié de « réellement émouvant ». Avec des rentrées prévues de 75 à 100 millions d'euros par an, cet impôt était surtout ridicule, compte tenu des revenus des armateurs.

La flotte grecque, constituée en grande partie de très gros transporteurs de pétrole ou de denrées sèches comme les céréales, est redevenue la première du monde en tonnage, au début de l'année 2014. Les armateurs ont investi 13 milliards de dollars (plus de 11 milliards d'euros) dans la construction de nouveaux navires en 2013. Selon le journal suisse Le Temps, leur chiffre d'affaires annuel est estimé à 13 milliards d'euros, soit 5 % du PIB grec.

Les armateurs ont su se diversifier et les Latsis, milliardaires considérés comme la première fortune de Grèce, contrôlent la plus grande raffinerie du pays, une banque renflouée par l'Europe, et des activités dans l'immobilier. Les Vardinoyannis sont aussi propriétaires de MotorOil, la deuxième raffinerie du pays, et actionnaires de chaînes de télévision.

D'autres capitalistes grecs, peut-être moins fortunés que les grands armateurs, ont bien survécu à la crise dans différents domaines : la grande distribution tel Marinopoulos, ou le secteur des travaux publics, ou encore comme constructeurs et concessionnaires d'infrastructures, routes et ponts. Ainsi en 2014, le groupe Ellaktor a vu redémarrer ses projets autoroutiers, qu'il partage avec d'autres trusts grecs comme JP Avax, mais aussi allemands ou français comme Vinci, grâce aux subsides européens et à l'aide de l'État grec.

Quant à l'Église grecque, elle constitue une puissance non seulement religieuse mais économique. Elle n'est pas assujettie à l'impôt sauf sur ses biens commerciaux. En 2012, elle a tenu à dire qu'elle avait payé 12,5 millions d'euros au fisc pour 2011 et qu'elle avait consacré 100 millions à ses oeuvres philanthropiques, aide sociale et soupes populaires. Mais l'ampleur de sa fortune reste un mystère. Elle est le deuxième propriétaire foncier après l'État. Le journal conservateur Kathimerini a estimé ses biens à 700 millions d'euros ; un ancien ministre des Finances à plus d'un milliard. Et d'autres l'évaluent à plusieurs milliards.

Pour tenter de tirer un peu de profit de ce patrimoine à défaut de l'imposer, l'ex-gouvernement de droite a proposé en 2013 de créer une société immobilière pour exploiter en commun la location des propriétés du clergé et en partager les bénéfices. Le problème est qu'il n'existe pas de cadastre, qu'un certain nombre de diocèses échappent au pouvoir central de l'Église elle-même, sans parler du Mont Athos, paradis fiscal qui gère un patrimoine considérable en toute indépendance. L'État n'est pas près de voir l'Église renflouer ses caisses ; en revanche il continue à payer les prêtres qui, même avec 25 à 30 % de baisse de salaires comme les autres fonctionnaires, lui coûtent 220 millions d'euros par an.

Partager