Italie - Après Enrico Letta, Matteo Renzi : Un jeune loup pour une vieille politique20/02/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/02/une2377.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie - Après Enrico Letta, Matteo Renzi : Un jeune loup pour une vieille politique

Si le chef du gouvernement italien Enrico Letta a dû donner sa démission samedi 15 février, c'est poussé par le nouveau dirigeant de son propre parti, le PD (Parti démocrate), qui s'est contenté de saluer son départ d'un bref remerciement. Matteo Renzi, maire de Florence et élu à la tête du Parti démocrate lors des primaires de l'automne, n'a jamais caché son arrivisme et ce qu'il nomme sans complexe « son ambition démesurée », mais il n'a vraiment abattu ses cartes que dans les derniers jours.

Après avoir longtemps juré que, en tant que chef du Parti démocrate, son intention n'était nullement de faire démissionner le chef du gouvernement mais bien de le soutenir loyalement, Renzi l'a accusé de lenteur et d'immobilisme et convaincu la direction du PD de mettre fin à l'expérience Letta. C'est donc maintenant Renzi qui a été reçu par le président de la République Giorgio Napolitano et qui semble en passe de réaliser ce qui était la première partie de son programme, voire en fait la seule : devenir président du Conseil à la place du président du Conseil.

Depuis deux ans, le jeune maire de Florence, âgé aujourd'hui de 39 ans, s'est en effet fait surnommer « il rottamatore », autrement dit « le démolisseur » pour avoir clamé haut et fort qu'il voulait envoyer à la casse les dirigeants de son propre parti. Trop vieux, trop routiniers, trop lents et paralysés par leurs jeux de pouvoir, Matteo du haut de sa jeunesse se faisait fort de les bousculer et de faire souffler un vent nouveau à la tête du PD. Il s'est forgé l'image d'un homme jeune, dynamique, disant ce qu'il avait à dire, énergique et décidé... oui mais à quoi ? C'est là que les choses deviennent plus confuses.

Renzi a certes de l'abattage, il peut parler longtemps, expliquer qu'il faut que ça change et que si on lui fait confiance, lui Matteo s'en chargera et plus vite que ça. Mais après avoir écouté ses discours, on se demande toujours ce qu'il veut faire. Et ce n'est pas par hasard : tout le « jeunisme » de Renzi et ses talents de batteur de foire ne sont là que pour tenter de redonner un peu de vernis au Parti démocrate. Ce parti de centre gauche issu des recompositions successives de l'ex-Parti communiste et des débris de l'ex-Démocratie-chrétienne, usé par des années de compromissions et de soutien aux politiques d'austérité les plus impopulaires, a un besoin désespéré de se donner une apparence de nouveauté... pour pouvoir poursuivre la même politique.

Les scrupules n'étouffent pas Renzi. À peine élu à la tête du PD, il est allé rencontrer Berlusconi, déchu de son mandat de sénateur après ses nombreuses condamnations pénales, redonnant à ce triste personnage le crédit politique perdu et concoctant avec lui une nouvelle loi électorale. Destinée à assurer la suprématie de leurs deux partis, le PD et le Parti Forza Italia du « cavaliere », cette loi devrait permettre d'éliminer tous les contestataires du système politique, à commencer par le mouvement « cinq étoiles » de l'ex-comique Beppe Grillo, trouble-fête entré au Parlement en fanfare l'an dernier. Ainsi il y aurait enfin « des gouvernements qui gouvernent », sans fil à la patte parlementaire.

Renzi déclare qu'une fois nommé Premier ministre on va voir ce que l'on va voir : pour sortir l'Italie de la crise et du chômage, il va faire « les réformes » que les gouvernements précédents n'auraient pas faites ou faites insuffisamment. Il a dans sa besace un « jobs act », une loi sur l'emploi dite en anglais parce que cela sonne mieux, censée encore une fois faire redémarrer l'économie et créer des emplois grâce à la libéralisation du marché du travail et la refonte des lois sociales. On connaît le refrain, repris par tous les gouvernements d'Europe : il faudrait aider les patrons à embaucher et investir en abaissant les salaires, les cotisations sociales et les impôts patronaux, car les pauvres seraient découragés par les difficultés administratives et des « charges » trop élevées.

Matteo Renzi aura vraiment besoin de tous ses dons d'acteur pour faire passer pour de la nouveauté cette politique éculée, que les travailleurs et les couches populaires d'Italie ont goûtée jusqu'à la nausée.

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