Le martyre des « enfants réunionnais de la Creuse » : Un enlèvement et un esclavage organisés20/02/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/02/une2377.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le martyre des « enfants réunionnais de la Creuse » : Un enlèvement et un esclavage organisés

Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a voté mardi 18 février une résolution commémorative concernant le traitement infligé à plus de 1 600 enfants réunionnais par l'État français de 1963 à 1982, sous l'égide de Michel Debré alors député de La Réunion.

Ces enfants de familles très pauvres avaient alors été déportés de leur île natale pour être amenés dans quelques départements français sous-peuplés, comme la Creuse qui, à elle seule, en reçut 250. Après leur arrivée à Paris, ils étaient d'abord acheminés jusqu'au foyer de l'enfance de Guéret, puis remis à des familles d'accueil qui les croyaient orphelins ou abandonnés.

À La Réunion, certains furent carrément enlevés à leurs parents. Pour arracher une autorisation parentale, il y avait parfois la promesse de l'effacement d'une dette ou l'espoir d'un logement moins insalubre. Parfois, les agents de la DDASS faisaient croire que les enfants allaient partir quelque temps en France pour revenir avec une formation ou un bon métier et que, de toute façon, les enfants seraient de retour chaque été. Mais, une fois ces enfants partis, les parents n'en eurent plus aucune nouvelle. Loin de faire des études, ces enfants servirent de domestiques dans les fermes et certains vécurent un véritable enfer, pas loin d'un quasi-esclavage.

L'ancien directeur départemental de l'Enfance de la Creuse essaya bien de dénoncer ce qui, à ses yeux, était un véritable scandale. Il ne fut pas entendu, en tout cas par Debré qui fut sans doute l'instigateur de ces exils forcés. Cet ancien Premier ministre de de Gaulle, qui mena pendant les vingt-cinq années de son mandat un combat musclé contre le Parti communiste réunionnais (PCR) et le communisme en général, cherchait à contenir le développement démographique des couches populaires de La Réunion. Avec le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations intéressant les départements d'outre-mer), Debré organisa aussi la venue en France de plus de 70 000 Réunionnais entre 1963 et 1981. Le Bumidom recrutait pour Peugeot, Michelin, la SNCF et bien d'autres grandes entreprises mais aussi pour des particuliers. Ainsi, quand le PCR dénonça l'emploi de jeunes Réunionnaises comme « domestiques du Tout-Paris UNR » (le parti gaulliste de l'époque), Debré ne démentit rien. Par contre, il envoya une note écrite à ses collaborateurs qui spécifiait : « Il y a un communiste au Bumidom. »

Aujourd'hui, les responsables de toute cette politique ont disparu, et c'est moins gênant pour l'État français que les faits soient reconnus. Mais un monument ou un discours n'effaceront pas la férocité du traitement infligé aux enfants, aux jeunes et aux familles réunionnaises.

Partager