Tunisie - La nouvelle Constitution : Hollande est satisfait, pas la population20/02/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/02/une2377.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tunisie - La nouvelle Constitution : Hollande est satisfait, pas la population

En Tunisie, la nouvelle Constitution a été adoptée, donnant lieu à une cérémonie officielle, le 7 février au palais du Bardo, trois ans après les révoltes qui conduisirent à la chute de Ben Ali. Il s'agit de la deuxième rédigée depuis l'indépendance du pays.

On comprend que beaucoup, dans la population, se sentent soulagés par l'adoption d'un texte où l'égalité femmes-hommes est affirmée, où les libertés et les droits de chacun sont en principe respectés. Mais une fois le texte promulgué - il ne sera d'ailleurs appliqué que progressivement - la situation des 11 millions de Tunisiens, en particulier des plus pauvres, va-t-elle changer dans la réalité ? Une grande partie de la population craint, non sans raison, la mainmise des islamistes d'Ennahda sur l'ensemble de la société, y compris pour se réserver des bonnes places, air connu sous la dictature de Ben Ali et de la famille Trabelsi. Le poids du parti de Rached Ghannouchi dans le dernier gouvernement était déterminant, mais le fait qu'il se soit mis en apparence en réserve à la suite des négociations qui ont conduit à la formation d'un nouveau gouvernement « de transition » consensuel n'est aucunement une garantie. Comme l'a déclaré le chef d'Ennahda, « nous quittons le gouvernement mais pas le pouvoir ».

En effet, les partis constituant la majorité au pouvoir, le CPR (centre droit) du président Marzouki, Ettakatol (social-démocrate) de Mustafa Ben Jaâfar et les islamistes d'Ennahda, sont parvenus au terme de longues négociations à former un nouveau gouvernement de transition. Mais le parti islamiste reste présent, même au deuxième rang. D'autre part, au-delà du soulagement légitime d'avoir chassé le dictateur Ben Ali et sa famille, rien de ce qui a motivé le soulèvement populaire dans les régions les plus pauvres du pays n'est réglé. Les revendications sur le travail, la justice sociale et la dignité, demeurent. Les prix continuent de flamber, le nombre de chômeurs d'augmenter, les pauvres se sont appauvris. La corruption a continué comme avant, le gendre de Rached Ghannouchi étant lui-même impliqué, et nombre de postes-clé ont été attribués à des membres d'Ennahda.

Récemment encore, de nouvelles taxes sur les transports ont été décrétées, provoquant la colère dans la région de Kasserine et de Sidi-Bouzid. Le syndicat UGTT, tout en étant partie prenante dans les discussions conduisant à la mise en place du nouveau gouvernement, envisage d'organiser des mouvements de grève pour dénoncer l'abandon des régions pauvres du centre-ouest.

Mais qu'importe, les pays impérialistes et en particulier celle qui reste la puissance tutélaire, la France, sont rassurés par l'adoption de la nouvelle Constitution. François Hollande, seul chef d'État d'une grande puissance présent à la cérémonie, après avoir qualifié la nouvelle Constitution de « texte majeur », qui « peut servir d'exemple à d'autres pays », a resservi une de ses idées fixes, « l'islam est compatible avec la démocratie ». Une phrase qui a dû aller droit au coeur aux islamistes du mouvement Ennahda aux commandes du précédent gouvernement mais n'a certainement pas conforté le camp de ceux qui pensent, comme nombre de militants de la gauche tunisienne, que la religion est une affaire privée. Hollande restait au demeurant dans le ton de l'ouverture de cette séance, extraordinaire par la récitation d'une sourate du Coran avant même l'hymne national !

Ce qui compte pour Hollande, c'est que l'ordre impérialiste soit maintenu, quitte à s'appuyer sur l'obscurantisme religieux. Pour leur émancipation, les travailleurs tunisiens devront lutter contre l'un et l'autre.

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