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- Lutte ouvrière n°2353
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Dans les entreprises
STX/Chantiers de l'Atlantique, Saint-Nazaire : Le « plan de compétitivité » renvoyé au placard
Pourtant, à entendre la direction, il n'y avait pas le choix : la survie de l'entreprise n'était envisageable qu'à condition d'une baisse du « coût du travail » de 5 à 10 %. Elle souhaitait donc négocier un accord sur la meilleure façon d'y parvenir : baisse des salaires et/ou allongement de la durée du travail et/ou modulation et flexibilité.
La CFDT et la CGC se sont empressées de discuter gravement des avantages et inconvénients des différentes combinaisons de ces trois options. Pour leur part, la CGT et FO ont pris position contre le principe même d'un tel « accord de compétitivité » et ont commencé à mobiliser les travailleurs à l'occasion de chacune de ces réunions de négociation.
Et des réunions de « négociation », il y en a eu ! À raison d'une toutes les trois à quatre semaines, les chiffres présentés par la direction et « analysés » par l'expert du comité d'entreprise ont été soigneusement épluchés, (sans jamais avoir été réellement contestés ou remis en cause), et cela n'a pas duré moins de quatre mois ! Cela permettait aussi à la direction des Chantiers de mesurer régulièrement l'état d'esprit et la combativité des travailleurs, tout en spéculant sur l'usure de leur mobilisation.
Car les appels à débrayer à l'occasion de chacune de ces réunions ont été largement suivis par les travailleurs des différents secteurs. En l'absence d'annonces concrètes, l'ambiance y était autant à montrer son opposition qu'à chercher d'éventuelles informations, tout en attendant la suite...
C'est à la fin juin que la direction a décidé de dévoiler ses batteries : à l'approche des congés d'été, alors que le nombre d'ouvriers « prêtés » à d'autres entreprises ou mis en chômage partiel total était au plus haut, elle a estimé que la mobilisation s'usait et que le moment était propice. Alors qu'il ne restait pas plus de 350 ouvriers STX au travail sur le site (sur un effectif de 800), la direction a considéré que la minorité combative des 800 techniciens et dessinateurs ne constituait pas une véritable menace et que les 400 cadres resteraient « naturellement de son côté ».
À ce moment-là, finies les phrases creuses sur le « nouveau pacte social », elle annonçait brutalement son projet tout en se disant encore prête à négocier à la marge :
- 20 minutes supplémentaires de travail gratuit par jour pour tous entraînant une baisse du taux horaire de 5,5 % ;
- Rabotage des primes et suppression de jours de congés ;
- Modulation des horaires hebdomadaires de 0 à 48 heures, sans paiement ni majoration du travail effectué au-delà des 35 heures par semaine.
Aussitôt la nouvelle connue, le 19 juin, les ouvriers de l'atelier 180 Tonnes (160 travailleurs en deux équipes) se sont réunis en assemblée générale et ont massivement voté la grève. Organisant eux-mêmes leur propre mouvement, ils se sont immédiatement adressés aux autres secteurs de production et de bureaux d'études.
Dans ces secteurs plus éclatés ou traditionnellement moins combatifs, les travailleurs ont accueilli chaleureusement les grévistes, mais nombre d'entre eux jugeaient que la grève totale partait trop tôt et que la mobilisation devait franchir des étapes pour entraîner le plus de monde possible.
Au bout de quelques jours, lorsque les 150 grévistes du 180T ont clairement montré qu'ils étaient durablement organisés et décidés à poursuivre la grève, la CGT et FO ont augmenté la fréquence des débrayages centraux et des journées de grève ponctuelles ce qui a permis de regrouper régulièrement un peu plus de 500 travailleurs, dans un mouvement dynamique et enthousiaste.
De son côté, la direction des Chantiers pressait la CGC et la CFDT d'en finir en signant son projet à peine modifié. Mais à l'approche des élections professionnelles programmées au mois d'octobre et sous la pression de leur base, principalement composée de techniciens et de cadres qui manifestaient de plus en plus ouvertement leur opposition au plan de compétitivité, CFDT et CGC n'en finissaient pas de tergiverser !
Tant et si bien que le patron, excédé, décidait de reculer la conclusion de cette affaire à la fin août, juste à la reprise des congés d'été.
Après deux semaines et demie de grève, ayant largement contribué à imposer ce premier recul à la direction, les grévistes du 180T décidèrent de reprendre le travail le 8 juillet, la tête haute, en continuant de participer massivement aux débrayages centraux des deux semaines suivantes.
Et finalement, de retour de congés, le débrayage central du 29 août appelé à l'occasion de l'ultime réunion de négociation a été un nouveau succès de la mobilisation.
De guerre lasse et piteusement, la CFDT et la CGC ont alors refusé de signer le plan de compétitivité !
Rageur, le patron a alors annoncé qu'il abandonnait son plan. La lutte a payé.