Rapport de la Cour des comptes : Un tremplin pour une campagne anti-chômeurs30/01/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2322.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Rapport de la Cour des comptes : Un tremplin pour une campagne anti-chômeurs

« Face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques » : tel est le titre du dernier rapport de la Cour des comptes. En fait, il cible surtout « un financement de l'indemnisation du chômage difficilement soutenable » -- l'Unedic annonce 14 milliards de dettes -- et qu'il faut donc « réformer » aux dépens des chômeurs.

Tout le rapport est construit sur la comparaison avec d'autres pays européens, pour démontrer qu'en France le régime serait plus protecteur, donc plus cher, et qu'il faudra bien en rabattre. Bien sûr, il mentionne que l'arrivée en fin de droits fait que 44,8 % des chômeurs ne bénéficiaient plus de l'assurance chômage en 2011. Mais, pour les autres, l'accès à l'indemnisation serait plus facile qu'ailleurs : il faut avoir travaillé quatre mois sur une période de 28 mois, alors qu'en Allemagne c'est douze mois sur une période de 24 mois. Le montant de l'indemnité par rapport au salaire antérieur serait plus favorable aux chômeurs français : de 66,4 % pour un salarié gagnant le salaire moyen (environ 2 000 euros en France) à 68,3 % s'il gagne deux fois ce salaire moyen, alors qu'en Allemagne ces taux seraient respectivement de 62,3 % et 59,6 % et en Grande-Bretagne de 37,9 % et 20,7 %. Enfin, anomalie suprême selon la Cour des comptes, un cadre français gagnant un peu plus de 7 000 euros aura une indemnité de 5 000 euros, alors que le cadre allemand ne touchera que 2 200 euros.

La Cour des comptes en conclut qu'il faut instituer un régime décroissant des indemnités, réduire le régime particulier des intermittents du spectacle, qui creuserait le déficit d'un milliard chaque année ; il faut aussi « inciter à la mobilité géographique ou à la diminution du salaire », pour inciter « à la reprise d'emploi », et revoir le système de chômage partiel, « plus favorable pour les salariés et moins incitatif pour les employeurs qu'à l'étranger ».

Sous couvert de réduire l'écart avec les demandeurs d'emploi mal payés, et par suite peu indemnisés, à qui on ne propose pas ou peu de formations, ces « recommandations » sont un tremplin pour une attaque en règle contre tous les chômeurs, sur lequel se sont lancés les défenseurs du patronat. L'argument du cadre indemnisé à 5 000 euros (le plafond est de 6 000 euros) sert de prétexte pour prôner une diminution de la durée et du montant des indemnisations pour tous les chômeurs, dont 20 % ne touchent en moyenne que 642 euros. Seulement 4,5 % des chômeurs touchent plus de 2 000 euros, ce qui n'a rien d'un pactole ! Quant au statut des intermittents du spectacle, on oublie de rappeler que c'est souvent, pour les patrons de chaînes de télévision, une façon commode d'avoir des salariés, techniciens ou administratifs, qui sont en réalité permanents, mais plus « flexibles » et qui ne demanderaient pas mieux qu'une vraie embauche.

Les vrais profiteurs du système sont les employeurs, qui, quoi qu'en dise le rapport, utilisent le chômage partiel comme une manne, puisque c'est l'État qui paye. Ils licencient, avec ou sans plan « social », creusent le déficit des caisses de chômage et condamnent les salariés à la gêne d'abord, à la misère ensuite.

Michel Sapin, le ministre du Travail, après avoir reconnu que, dans une période de chômage accru, il était inévitable « qu'un système d'indemnisation soit déficitaire », a cependant trouvé « extrêmement pertinentes » les recommandations du rapport, avant de renvoyer aux « partenaires sociaux » la tâche de réformer le système

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