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Leur société
Contrôle fiscal : Le filet laisse passer les gros poissons
En cette période où le feuilleton Bettencourt-Woerth défraie la chronique, il est savoureux de se souvenir des propos de Sarkozy qui, fin 2009, affirmait d'un ton martial à propos des évadés fiscaux : « Nous ne sommes pas là pour protéger les fraudeurs. Maintenant il y a des règles et elles doivent être respectées ».
Six mois plus tard, on apprend que l'affaire Bettencourt est aussi une affaire de fraude fiscale- 85 millions d'euros d'avoirs dissimulés en Suisse et une île aux Seychelles. Cette fraude dure depuis des décennies, sans que l'une des premières fortunes de France n'en ait jamais été inquiétée.
Cette fraudeuse-milliardaire est loin d'être une exception. Des gros poissons comme elle, il y en a quelques milliers ; des grandes fortunes qui ne savent même pas combien elles « gagnent », mais qui ont à leur service toute une armada de spécialistes chargés de trouver les moyens pour échapper au fisc.
Ces grandes fortunes seraient, nous dit-on, « difficiles à contrôler », car leurs méthodes seraient de plus en plus sophistiquées, sans parler de ce qui se passe à l'échelle internationale. « Difficiles », peut-être, vu les mécanismes de fraudes de plus en plus complexes. Sans compter le nombre dérisoire d'employés censés effectuer cette pêche aux grands fraudeurs. Les services fiscaux eux-mêmes évoquent un manque criant de personnel, puisque seulement 7 % de leurs effectifs sont affectés à cette tâche, soit 5 000 personnes. Ils n'opèrent donc que 4 000 « examens de situation fiscale » par an, ce qui, à ce rythme, nécessiterait 141 années pour contrôler tous ceux qui sont assujettis à l'ISF ! Les grands fraudeurs, on le voit, peuvent continuer à dormir tranquilles sur leur magot.
Mais, ce n'est pas une question de « difficultés », c'est un problème de choix politique. Alors que les gros patrimoines classés par les services fiscaux comme « dossiers sensibles, à forts enjeux » restent le plus souvent à l'abri des contrôles, les difficultés s'évanouissent lorsqu'il s'agit de faire la chasse aux pauvres, aux travailleurs pointés du doigt pour « abuser » du RSA, des allocations familiales, des arrêts maladie... ou des caisses de retraite. Tout est bon pour vider les poches des pauvres afin de remplir celles des actionnaires.
Woerth affirmait en mai 2009 : « Le CAC 40 n'est pas nécessairement un endroit fraudogène, je ne vais pas faire le haro sur les patrons ; ce qui m'intéresse, c'est la fraude dans son ensemble ».
Le mérite des scandales actuels est de permettre de lever en partie le voile sur les collusions entre le monde des affaires et le monde politique, sur les interpénétrations qui existent entre la grande bourgeoisie et les gouvernants.