Les seuls inutiles dans cette société, ce sont les grands bourgeois22/07/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/07/une2190.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Les seuls inutiles dans cette société, ce sont les grands bourgeois

Une sordide affaire de très gros sous, dans la famille de la femme la plus riche de France, a mis en lumière les relations qui existent entre les membres de la grande bourgeoisie et les hommes politiques à leur service. Et peu importe que tout se soit passé en toute légalité, comme le proclament les porte-parole du gouvernement, ou que Éric Woerth et Sarkozy aient pris quelques libertés avec celle-ci. De toute manière, ce qui ressort clairement de cette affaire, c'est que tous les politiciens qui se présentent comme les défenseurs de « l'intérêt général » sont au service exclusif des possédants. La preuve en est que les services des impôts n'ont pas le moindre droit de regard sur les revenus publics ou cachés des plus grosses fortunes.

Les scandales actuels ont au moins permis de savoir que les dossiers de ces gens-là étaient directement traités par une cellule spécialisée, dépendant directement du ministre des Finances, et que le montant de leurs impôts relevait d'un arrangement de gré à gré, et non de l'application du barème général.

Liliane Bettencourt a touché du fisc 30 millions d'euros au titre du bouclier fiscal. C'est légal, certes. Mais pour justifier ce bouclier fiscal, Sarkozy déclarait en 2007 : « Je veux que l'État soit contraint de laisser à chacun la moitié de ce qu'il a gagné. Tout vaut mieux que de taxer l'homme au travail. Tout vaut mieux que de taxer les travailleurs qui créent la richesse ». Mais quel travail Liliane Bettencourt a-t-elle accompli ? Quelle richesse a-t-elle créée ? Elle s'est contentée d'hériter des milliards de son père, comme les héritiers Peugeot, Michelin, comme cet Ernest-Antoine Seillière, ex-président du Medef, dont la seule activité économique consiste à veiller aux intérêts des héritiers de Wendel, dont il fait partie.

En revanche, l'homme et la femme qui travaillent vraiment, ceux qui créent réellement des richesses, se voient taxés d'un cinquième de leurs ressources, même quand ils ne gagnent que le Smic, ou moins, à travers la TVA.

Devant les députés UMP, Sarkozy s'était écrié : « Liliane Bettencourt est la femme la plus riche de France et elle est restée en France. Est-ce que vous auriez préféré qu'elle parte en Suisse ? Je ne veux pas qu'elle foute le camp en Suisse, moi ! ». Le 12 juillet, à la télévision, n'hésitant pas à mentir sans vergogne (« Il existait avant mon élection des contribuables qui payaient 100 % d'impôt »), il a développé la même argumentation, en termes plus choisis : « Mme Bettencourt, qui est propriétaire de L'Oréal, je souhaite qu'elle reste propriétaire de L'Oréal et que L'Oréal - 17 milliards de chiffre d'affaires, 64 000 employés - ne parte pas dans un autre pays. Parce qu'à ce moment, qui le paierait ? C'est les employés qui perdraient leur emploi ».

Mais c'est se moquer des gens. Les milliards de Bettencourt, il y a longtemps qu'ils ont quitté la France, pour la Suisse ou d'autres paradis fiscaux. En revanche, les usines, les laboratoires de L'Oréal, ne peuvent pas partir en Suisse ou ailleurs. Et si les 64 000 emplois que représente L'Oréal étaient vraiment le souci de Sarkozy, il pourrait très bien le cas échéant réquisitionner ces usines et ces laboratoires, et garantir du travail aux salariés de L'Oréal. Seulement voilà, les vrais protégés de Sarkozy, ce ne sont pas les travailleurs de L'Oréal, ce sont les Bettencourt et leurs semblables.

Prétendre que le grand patronat « donne » du travail aux salariés et que c'est grâce à lui qu'ils peuvent gagner leur vie est une escroquerie. Le patronat exploite les travailleurs pour en tirer du profit tant que cela lui rapporte assez, quitte à les jeter à la rue quand il trouve plus profitable de placer ses capitaux ailleurs.

Prétendre qu'il y a toujours eu des riches et des pauvres et que les premiers sont nécessaires pour assurer la vie des seconds en leur donnant du travail est une philosophie de bas étage, élaborée par de pseudo-intellectuels au service des classes possédantes.

Dans cette optique, les hommes qui nous gouvernent, et pas seulement depuis que Sarkozy est à la tête de l'État, s'emploient à nous faire croire que les grands bourgeois sont indispensables au bon fonctionnement de l'économie. Mais, en réalité, ce sont des parasites, qu'il faudra bien éradiquer un jour, car ils ne sont pas plus nécessaires que les poux ou les puces.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 19 juillet

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