Les paradis fiscaux et la City de Londres n'ont rien a craindre du G2008/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2123.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Les paradis fiscaux et la City de Londres n'ont rien a craindre du G20

La déclaration triomphale des leaders du G20, affirmant que « l'ère du secret bancaire est terminée » et annonçant la fin des paradis fiscaux, avait de quoi provoquer l'hilarité en Grande-Bretagne.

Il faut savoir que la fameuse « liste » des paradis fiscaux de l'OCDE ne comportait pas moins de dix des confettis de l'Empire britannique administrés par Londres. Cela va de possessions lointaines comme les îles Vierges britanniques et les îles Caïmans, à des satellites proches, tels Gibraltar, les îles de Jersey et Guernesey dans la Manche, et celle de Man, en mer d'Irlande.

Néanmoins, pour l'OCDE, ces trois dernières satisfont aux « standards fiscaux internationaux ».

Or, pour ne prendre que le cas de Jersey, les autorités de cette île de 89 000 habitants évaluent les fonds qui y sont domiciliés à pas moins de 512 milliards d'euros ! Somme pharamineuse qui explique que 47 banques internationales aient jugé bon d'y ouvrir une succursale (bien des villes de cette taille en Europe n'ont pas plus d'une ou deux agences !).

C'est qu'à Jersey, les déposants résidents (dont le nombre est secret) bénéficient d'avantages substantiels. Selon le quotidien d'affaires Financial Times du 3 avril, « ces résidents paient un minimum d'impôt sur le revenu de 110 000 euros par an. Le premier million de leur revenu imposable est taxé à 20 %, le demi-million suivant à 10 % et le reste à 1 % ». Donc, conclut ce journal, « ça ne vaut pas la peine de s'installer là-bas si votre revenu imposable est inférieur à un demi-million ». On ne donne qu'aux riches !

Quant aux déposants non-résidents, ils ne paient aucun impôt et tant que leurs profits financiers ne sont pas utilisés dans leur pays de résidence, ils n'ont pas à se soucier de telles peccadilles.

Comment Jersey peut-elle satisfaire alors aux « standards fiscaux internationaux » de l'OCDE ? Tout simplement en passant des accords bilatéraux avec douze pays membres de l'OCDE, par lesquels elle s'engage à répondre à des demandes éventuelles d'information sur les sommes qui y sont déposées. Mais comme nombre de paradis fiscaux sont membres de l'OCDE, il lui a suffi pour ce faire de s'entendre avec eux, et avec la Grande-Bretagne, ce qui remplit les conditions voulues !

Car, bien sûr, ce n'est pas Londres qui va se charger de faire la chasse aux milliardaires délinquants. Car cela fait très longtemps que la City de Londres fonctionne comme un paradis fiscal vis-à-vis des investisseurs étrangers, américains en particulier. Depuis les années 1960, Londres n'a cessé de servir de plaque tournante aux capitaux américains soucieux d'échapper aux institutions de surveillance financière et fiscale de leur pays. C'est même cela qui en a fait la deuxième place financière mondiale et qui explique que toutes les grandes banques du monde y ont des sièges d'un luxe et d'une taille qui peuvent laisser pantois.

Mais les gros investisseurs étrangers ne sont pas seuls à bénéficier d'un régime fiscal d'une douceur exceptionnelle. Les banques britanniques aussi. C'est ainsi qu'en mars, un scandale a éclaté lorsqu'une « fuite » a conduit le quotidien The Guardian a obtenir des copies de documents internes de la Barclays, désormais seconde banque privée du pays. Ces documents montraient que dans cette banque opère un service de 110 personnes dont la principale activité est de lui permettre de payer moins d'impôts. Au cours des années récentes les activités de ce service auraient permis à la banque d'économiser pas moins d'1,1 milliard d'euros sur les impôts qu'elle paie ! Lorsque le Guardian s'est avisé de publier ces documents sur son site internet, la Haute cour est immédiatement intervenue pour les lui faire retirer sous peine de lourdes amendes. Motif : ces informations portaient préjudice à la banque en violant le « secret commercial » auquel elle a droit, ce qui, soit dit en passant, est contraire à la loi sur la « transparence » en vigueur.

À l'heure où nous écrivons le gouvernement de Gordon Brown n'est toujours pas intervenu pour faire invalider ce jugement. Comme quoi l'ère du secret bancaire est loin d'être révolue à la City de Londres, qui continuera, comme par le passé, à servir de paradis fiscal aux grandes entreprises capitalistes. Ce ne sont ni Brown, ni Obama qui s'y opposeront !

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