Sommet du G20 à Londres : La montagne n'a même pas accouché d'une souris08/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2123.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Sommet du G20 à Londres : La montagne n'a même pas accouché d'une souris

Ils sont venus, ils se sont réunis, ils ont festoyé et posé pour la photo de famille. Et le lendemain, la presse était pleine de titres du genre « sommet historique », « réforme d'envergure de la régulation financière », « naissance d'un nouvel ordre mondial »...

Le « sommet du G20 », c'est-à-dire la réunion des chefs d'État des vingt pays les plus riches du monde, avait pour ambition affichée de « réformer les institutions financières internationales pour surmonter la crise et prévenir la suivante », entre autres.

Qu'est-ce qu'il en est sorti ? Pas grand-chose, à part la photo de famille, justement. Elle était destinée à montrer que, face à la crise, les grands de ce monde politique sont unis. Chacun a eu droit, en guise de cadeau, à sa petite babiole politique. Sarkozy, par exemple, qui y était allé en jurant qu'il quitterait le sommet si on ne s'en prenait pas aux paradis fiscaux, sa marotte, en est revenu en criant victoire.

La réunion a en effet décidé de publier la liste des paradis fiscaux. N'importe quel moteur de recherche sur Internet peut établir cette liste en quelques secondes. Ce n'était pas la peine de réunir vingt chefs d'État, avec chacun son armada d'experts, pour aboutir à ça !

Décision un peu plus conséquente : ils se sont entendus pour accorder 500 milliards de dollars de plus au Fonds monétaire international (FMI), organisme financier international contrôlé par les grandes puissances riches, États-Unis principalement. Que les États versent de l'argent aux banques et à de grandes entreprises sous prétexte de favoriser la relance n'est vraiment pas une nouveauté : tous les États le font. D'après les comptes du G20, ils en sont à 5 000 milliards déversés, sans que cela relance l'économie. Mais chacun le fait au profit de sa propre bourgeoisie.

L'ennui avec le « chacun pour soi », c'est que nombre de pays semi-développés, notamment de l'est de l'Europe, ne possèdent pas les milliards nécessaires pour aider leurs banquiers. Le FMI les aidera d'autant plus volontiers que lesdits banquiers sont surtout allemands, anglais, français ou américains, et les aider, c'est encore aider les siens.

Mais, pendant que la quasi-totalité de la presse et la télévision s'extasiaient sur le nouvel ordre mondial en train d'émerger, les entreprises continuaient à annoncer de nouveaux plans sociaux, poussant de nouveaux contingents de travailleurs vers le chômage puis vers la misère. Les simagrées des chefs d'État à Londres ont pu impressionner les journalistes mais elles n'arrêtent pas la crise. Elles n'ont même pas incité les capitaux spéculatifs à fuir massivement les paradis fiscaux inscrits sur la liste noire.

Ceux qui placent et déplacent des capitaux savent que les paradis fiscaux ne se situent pas seulement dans des îlots-États des Caraïbes ou du Pacifique aux noms exotiques. Ils savent qu'ils ne se situent pas non plus uniquement dans ces micro-États d'Europe, genre Monaco ou Andorre pour la France ou les îles anglo-normandes pour la Grande-Bretagne, sous l'autorité directe des grands États qui pourraient en faire disparaître les privilèges fiscaux et les pratiques bancaires en cinq minutes, s'ils le voulaient. Les principaux paradis fiscaux, au secret bancaire bien préservé, se situent à la City de Londres, dans les grandes banques de New York ou de Paris.

Lorsque le communiqué du G20 se vante que « l'ère du secret bancaire est révolue », la bêtise le dispute au bon gros mensonge.

Tout le système financier international est basé sur le secret bancaire. Le secret n'en est pas toujours un pour le fisc, mais il l'est toujours vis-à-vis de la population.

Il est vrai qu'il faudrait supprimer le secret bancaire, comme plus généralement le secret des affaires. Il est vrai qu'il faudrait remettre de l'ordre dans l'économie mondiale. Mais il aurait été bien naïf de penser que ceux qui se sont rencontrés au sommet de Londres en avaient la volonté et la capacité. Car la crise comme toutes ses conséquences viennent de la course au profit, du marché et de la propriété privée des entreprises et des banques. Pour remettre de l'ordre dans l'économie, le premier pas est de mettre en cause la mainmise de la classe capitaliste sur l'économie. Mais ce n'est pas à ses serviteurs politiques qu'il faut le demander.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 6 avril

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