G 20, paradis fiscaux et secret bancaire : Les affaires continuent, la crise aussi08/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2123.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

G 20, paradis fiscaux et secret bancaire : Les affaires continuent, la crise aussi

La déclaration finale de la réunion des vingt chefs d'État, le 2 avril à Londres, affirme que « le temps du secret bancaire est révolu ». Sarkozy en a rajouté, déclarant que les mesures prises, entre autres la publication d'une liste de paradis fiscaux, font qu'un « véritable nouveau monde est en train de se mettre en place », rien que ça !

Or cette liste des paradis fiscaux est évidemment connue depuis des années. En juin 2000 une commission mise sur pied par les mêmes pays riches publiait une liste quasiment identique à celle d'aujourd'hui et affirmait, déjà, que les « paradis fiscaux constituent une menace potentielle pour la stabilité internationale ». Pourtant les grands pays capitalistes n'ont rien fait.

Et pour cause. Les paradis fiscaux n'existent que par leur volonté ou, du moins, leur assentiment. Au point qu'on peut relier chaque paradis fiscal avec la métropole à laquelle il est lié le plus directement : Monaco et Andorre à la France, Jersey à la Grande-Bretagne, les Bahamas aux États-Unis, le Liechtenstein à l'Allemagne... La France a même institué en 1986 un paradis fiscal à usage unique, les îles Kerguelen (cent habitants, au plus fort de l'activité des stations scientifiques...) où peuvent s'immatriculer les bateaux des armateurs qui ne veulent pas payer d'impôts. Ce n'est pas seulement légal, c'est conseillé !

Le Fonds monétaire international estime que la moitié du flux mondial des capitaux transite par les paradis fiscaux proprement dits et il est de notoriété publique que toutes les sociétés multinationales y ont des filiales. Le PDG de Total le dit d'ailleurs benoîtement : « Total a des filiales dans les paradis fiscaux », sans préciser combien, ni ce qu'elles y font.

Mais il n'est pas besoin d'être grand clerc pour le savoir. En faisant réaliser leurs bénéfices par des sociétés écrans basées dans des pays qui ne connaissent pas l'impôt sur les sociétés, les multinationales échappent dans une large mesure au fisc du pays de leur maison mère et de leurs principaux actionnaires. Et cela sur une très grande échelle. Par exemple, à l'occasion de la faillite de la banque Fortis et de son démantèlement, on a pu apprendre qu'elle avait quelque 300 filiales dans les paradis fiscaux. De même, en 2007, le principal pays investisseur en Chine n'était ni les États Unis ni le Japon mais... les îles Vierges, par où évidemment transitent des capitaux venus de New York ou d'ailleurs, et repartant pour la Chine.

Les paradis fiscaux ne sont pas une maladie du système financier international mais constituent un élément essentiel de sa rentabilité. Leur multiplication est une composante de la « dérégulation » du système financier, au même titre que l'informatisation des Bourses, la libre circulation des capitaux, les produits dérivés, etc. C'est une branche de l'arbre à finances sur lequel sont assis les capitalistes et ils ne la scieront pas volontiers, quoi qu'en disent leurs représentants politiques.

Une autre branche maîtresse de cet arbre est le secret bancaire. La seule nouveauté en la matière c'est que certains pays comme la Suisse permettront, sous conditions, des enquêtes sur les fraudes fiscales éventuelles de leurs déposants étrangers. Quelques milliers de citoyens américains seraient par exemple dans le collimateur. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt des transactions, autrement plus importantes, des groupes multinationaux. Quant le PDG de Total, Margerie, avoue que les capitaux de son groupe transitent par les paradis fiscaux, il ajoute que « le ministère des Finances est au courant ». Il aurait pu compléter : « depuis toujours et il ne dira jamais rien ».

La liberté des grands groupes de faire aller et venir leurs capitaux comme ils le désirent, dans le secret et sans contrôle, n'est évidemment pas remise en cause par le G20. Or il est évident que c'est cette course au profit et cette liberté sans contrôle des capitaux qui ont mené à la crise actuelle. Et qui, quoi que disent les dirigeants du monde capitaliste, si le monde du travail ne les met pas hors d'état de nuire, mènera encore à la prochaine crise... pour autant du moins qu'ils arrivent à sortir un jour de la présente.

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