Hôpital Beaujon (Clichy – Hauts-de-Seine) : La canicule révèle les carences de l’organisation hospitalière14/08/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1828.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpital Beaujon (Clichy – Hauts-de-Seine) : La canicule révèle les carences de l’organisation hospitalière

Beaujon est, comme la plupart des hôpitaux, un bâtiment quasiment sans climatisation où il est difficile de ne pas baigner dans sa sueur dès qu'il fait chaud. Pour certains opérés ou malades lourds, c'est un calvaire qui s'ajoute à leur souffrance. L'hôpital étant de grande hauteur, les fenêtres ne s'ouvrent que très peu. Il est presque impossible d'établir le plus mince courant d'air.

Cette année, des ventilateurs ont été distribués, mais pas partout. Il est question de retirer ceux qui existent dans les services administratifs (où ils ne sont pas de trop) pour les mettre dans des chambres de malades.

Au bloc opératoire d'orthopédie, où il existe quand même une climatisation, celle-ci est tombée en panne.

L'afflux actuel de personnes en majorité âgées se produit à un moment où, plus encore que d'ordinaire, le manque de personnel et de lits atteint le maximum.

Où coucher les malades ?

En été, l'Assistance publique ferme un nombre de lits plus grand que ce qui correspond à la baisse saisonnière de l'activité. Entre 30 et 50% de la capacité hospitalière est supprimée durant un ou deux mois. À l'hôpital Beaujon, fin juillet, sur 560 lits, 380 demeuraient ouverts, soit une diminution de 33%.

C'est la suite logique de la politique de l'Assistance publique qui est de calculer au plus juste, en mettant en avant, non pas les besoins de la population, mais le coût de la santé. Aucun volant de sécurité n'est prévu pour faire face à des épidémies ou des événements inattendus; de plus, restructurations et fermetures ont été le lot de services n'atteignant pas un taux d'occupation supérieur à 80%.

C'est toute l'année que l'accueil des malades, passés aux Urgences et nécessitant une hospitalisation, est difficile. On peut rester longtemps couché au service «porte» avant qu'un lit se libère dans le service où on doit être dirigé. Depuis le début de la période des congés, c'est pire. Plusieurs services se voient amenés à accueillir des patients relevant d'une autre pathologie. Quant au délai durant lequel un malade se déshydrate sur un brancard aux Urgences, il est loin de diminuer.

Le mauvais été du personnel

Déjà durant l'année, pour le personnel, obtenir un repos est un problème. En été, quand la majeure partie des agents prend ses congés annuels, la situation s'aggrave. À Beaujon, bien que l'effectif n'ait pas été diminué proportionnellement aux fermetures de lits (la direction générale de l'Assistance publique accuse l'hôpital d'avoir des dizaines d'emplois en trop !), la charge de travail est démesurée dans certains services. Ainsi, avant la canicule, face au mécontentement et à la fatigue des soignants de la maternité, la direction a demandé... au chirurgien gynécologue de reporter toute son activité opératoire non urgente et de ne conserver que la partie obstétrique du service. Pas question d'embaucher du personnel pour répondre aux besoins !

Les cadres, eux, pratiquent moins l'étalement des vacances qu'ils ne le préconisent pour les autres. Ainsi, en temps ordinaire, pour obtenir quelques bouteilles d'eau minérale, il faut la signature d'un cadre administrateur de garde, signature difficile à obtenir car il faut, dans ce domaine comme dans d'autres, viser les économies ! Eh bien, le week-end dernier, des agents hospitaliers ont dû se livrer à une véritable course-poursuite de bureau en bureau, à la recherche d'un cadre qui soit resté au travail pour obtenir cette fatidique signature !

Mobilisation sur le papier

Le déclenchement du plan «Chaleur extrême», sorte de Plan Blanc pour lutter contre les effets de la canicule, a eu lieu à l'Assistance publique vendredi 8 août. (Le Plan Blanc est l'ensemble des mesures prises en cas de catastrophe, prévoyant notamment la réquisition de personnel)

L'administrateur de garde a demandé au personnel de venir le voir pour recevoir les consignes, ce qui s'est avéré impossible dans certains services. Il a donc dû se déplacer pour parler de la «mobilisation» nécessaire, cherchant dans tous les recoins s'il n'y avait pas un lit inoccupé. Mais il a pris soin de préciser que cette mobilisation n'était pas une levée générale de nouveaux effectifs. Rajouter des malades, oui, recourir aux intérimaires, non !

Dans un des services où il tenait de tels propos, il y avait deux infirmières, une aide-soignante et deux remplaçantes d'été pour trois salles. Quand il a proposé de prendre un patient en plus, ce n'était pas l'enthousiasme ! Du coup, il a évoqué un «patient non malade», qui n'augmenterait pas la charge de travail !

Le ridicule n'est pas le plus grave. Plus préoccupantes, en revanche, pour les malades comme pour le personnel, sont les mesures prises par ces gens que l'on prétend responsables.

Avec des malades en souffrance aux Urgences, avec l'insuffisance de lits et le personnel surchargé, ce que cet été met en évidence, c'est la politique de l'État en matière de santé. Appliquer en tout temps les règles de rationnement des moyens, c'est à coup sûr augmenter terriblement les conséquences, parfois dramatiques, des moindres variations dans les conditions climatiques.

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