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- Lutte ouvrière n°1828
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Leur société
Larzac 2003 : L’altermondialisme, un rêve généreux qui devra passer par la lutte pour le communisme
120000 participants selon la police ou 250 à 300000 selon les organisateurs, «Larzac 2003» a été un véritable succès (1). Organisé pour le 30e anniversaire de la manifestation qui avait rassemblé sous les slogans «Gardarem lo Larzac» et «Faites l'amour, pas la guerre» la jeunesse contestataire issue de 1968 opposée à l'extension du camp militaire, le rassemblement du week-end dernier était aussi et surtout une manifestation contre l'OMC (l'Organisation Mondiale du Commerce), contre la mondialisation.
La manifestation a rassemblé les militants syndicalistes de la Confédération paysanne, ceux d'Attac, des militants et sympathisants des partis et organisations de gauche et d'extrême gauche, des petits paysans, des enseignants, des intermittents du spectacles en lutte contre les attaques du gouvernement sur leur niveau de vie, les retraites et la Sécurité sociale. Elle a rassemblé aussi des milliers de jeunes mobilisés par les idées altermondialistes et anticapitalistes. C'est certes sympathique et réjouissant de voir une telle fraction de la jeunesse découvrir et protester contre les catastrophes provoquées par l'économie capitaliste telles que la faim dans le monde, les dégâts écologiques ou le monopole des trusts pharmaceutiques sur les médicaments et l'agonie des millions de malades du Sida qui en découle notamment en Afrique. Mais lorsqu'ils attribuent ces dégâts à la «mondialisation», ils ne se trompent pas seulement de mot mais d'analyse.
Ce n'est pas parce que l'économie est mondialisée qu'elle est responsable du pillage et de l'appauvrissement des pays du Tiers-Monde. C'est parce qu'elle est capitaliste. C'est parce qu'elle fonctionne en exploitant, toujours plus, l'immense majorité des populations de la planète pour le bénéfice des grands bourgeois des quelques pays impérialistes les plus développés. Et ce n'est pas nouveau.
Depuis ses origines l'économie capitaliste fonctionne sur l'exploitation de la majorité de la population par une minorité de possédants et tend pour cela à l'internationalisation du commerce, à la mondialisation. Quand le capitalisme industriel s'est développé, au 19ème siècle, l'Angleterre, la France et l'Allemagne, qui étaient alors les premières puissances impérialistes, sont allées piller bien loin de leurs propres territoires les minerais et matières premières dont elles avaient besoin. En Afrique, en Inde, en Amérique, elles ont installé leurs colonies. Elles y ont dépouillé le sous-sol, elles ont exploité à mort dans les plantations de café, de canne à sucre, de caoutchouc, de coton les populations réduites à l'état d'esclavage. Elles y ont aussi construit les routes puis les chemins de fer. Pas par bonté d'âme mais pour transporter jusqu'aux ports les matières premières à destination de l'Europe mais produites à l'autre bout du monde. L'internationalisation du commerce était déjà et est restée une nécessité au développement de l'impérialisme.
Aujourd'hui, ce sont les États-Unis et les multinationales qui font la loi, pas l'OMC. Certes, l'Organisation Mondiale du Commerce est au service de ces multinationales, au service des capitalistes internationaux qui l'ont mise en place. Les réglementations qu'elle met en place ne sont bien évidemment pas en faveur des pays exploités. Tout au plus tentent-elles de faire une place à quelques impérialismes de deuxième zone.
Ce n'est pas l'OMC qui est «un désastre pour l'humanité», c'est l'impérialisme, c'est-à-dire l'organisation capitaliste de la société à l'échelle du monde. C'est elle qui crée et approfondit les inégalités entre classes exploitées et classes exploiteuses de chaque pays et les inégalités entre pays. C'est elle aussi qui crée la famine pour un quart du monde et laisse mourir des populations entières de maladies que l'on sait pourtant soigner et qui est aussi à l'origine des catastrophes écologiques. Car son but n'est pas de mettre en commun toute l'intelligence, la créativité et les capacités de produire de l'humanité pour satisfaire les besoins des populations mais au contraire de les exploiter au profit des détenteurs des capitaux.
Mettre fin à la mondialisation, même si on parle d'altermondialisation, est non seulement une utopie mais, en plus, un projet réactionnaire. Le problème n'est pas de déchirer les liens économiques tissés entre les différentes parties du monde ni d'en finir avec des productions à l'échelle de la planète pour en revenir à des productions «bien de chez nous». La gestion à l'échelle planétaire, c'est l'avenir. Mais... après avoir débarrassé l'organisation de la production des parasites qui vivent des revenus du capital.
Sophie Gargan
(1) Il faut cependant rappeler que la manifestation du 25 mai, à Paris, pour les retraites, a vu défiler, suivant les mêmes comptages, entre 300000 et 600000 manifestants.