Libéria : Pillage impérialiste sur fond de guerre civile14/08/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1828.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Libéria : Pillage impérialiste sur fond de guerre civile

C'est avec une certaine joie que la population de Monrovia a accueilli les premiers éléments de la force internationale qui, sous l'égide de l'ONU et des pays de l'Afrique de l'Ouest, est censée mettre un terme à la guerre civile que connaît le Libéria depuis 14 ans.Quant au dictateur Charles Taylor, il a finalement accepté de quitter le pouvoir, non sans avoir préalablement désigné son successeur et obtenu l'arrêt des poursuites engagées contre lui par le Tribunal International. Ainsi, les représentants des grandes puissances ont obtenu gain de cause. Non pour le bien de la population mais pour celui de leurs trusts, et en tout premier lieu des trusts américains, très présents au Libéria. Car ce petit pays d'Afrique de l'Ouest est entièrement sous leur tutelle depuis sa naissance, en 1822.

Le Libéria fut alors créé par des sociétés philanthropiques américaines pour permettre le retour en Afrique des esclaves affranchis. Mais derrière un objectif à première vue généreux, cette opération fut pour le gouvernement américain une occasion de s'implanter sur le sol africain et de participer au pillage de ce continent.

Les dirigeants du Libéria offrirent sur un plateau les ressources naturelles de leur pays aux grandes firmes américaines. En 1926, Firestone, entreprise de pneumatiques, obtint une concession de 400000 hectares pour l'exploitation de l'hévéa et bénéficia du travail forcé imposé aux populations locales par les dirigeants libériens. Encore aujourd'hui, le trust Bridgestone-Firestone qui en est issu continue à exploiter 20000 hectares d'hévéas. La deuxième richesse du pays, le minerai de fer, si abondant et si riche qu'il plaçait le Libéria parmi les premiers exportateurs mondiaux de fer jusque dans les années 1980, était aussi sous la domination de firmes américaines.

Parallèlement, le Libéria s'est spécialisé dans l'offre de pavillons de complaisance aux compagnies maritimes des pays riches, protégeant leur anonymat et leur permettant de fuir leurs responsabilités en cas de naufrage de leurs pétroliers. Parmi les navires responsables de grandes marées noires, l'Amoco Cadiz comme d'autres arborait le pavillon libérien. Et jusqu'en 2000, c'était une compagnie américaine installée en Virginie, International Registry Inc., qui était chargée du registre maritime libérien.

Aujourd'hui, 60% de la flotte libérienne appartient à des compagnies maritimes allemandes, grecques, japonaises et américaines et le reste est possédé par des filiales de ces compagnies domiciliées au Libéria. De sorte que même au plus fort de la guerre civile de la dernière décennie, le Libéria, l'un des pays les plus pauvres de la planète, a continué à posséder la seconde flotte mondiale en terme de tonnage d'affrètement.

L'opposition des factions

Jusqu'en 1980, les Afro-américains descendants des esclaves affranchis représentaient une toute petite minorité (à peine 5% de la population), mais détenaient le pouvoir politique et les richesses. Les Africains, qui n'eurent le droit de vote qu'en 1945, soit près de 100 ans après l'accession du pays à l'indépendance (en 1847, ce qui en fit la première «République» d'Afrique), étaient des citoyens de seconde zone, exploités et opprimés.

En 1980, le coup d'État militaire de Samuel Doe renversa le pouvoir des Afro-américains. Il avait l'assentiment de l'impérialisme américain las de soutenir un régime aux postures pan-africanistes et de moins en moins capable de contenir le mécontentement des pauvres. Doe qui était venu au pouvoir en promettant la fin du monopole politique de l'élite afro-américaine, fit du Libéria le champ clos de ses rapines et de celles des hommes des différentes ethnies qu'il avait placés à ses côtés pour s'assurer une certaine base sociale.

Il confia par exemple la gestion de la centrale d'achat du gouvernement à l'ancien leader d'une association d'étudiants libériens aux États-Unis, revenu en toute hâte pour profiter des perspectives de carrière ouvertes par le coup d'État, un certain Charles Taylor. A cause de sa tendance à garder une bonne partie de l'argent qui passait entre ses mains durant les trois ans qu'il resta à ce poste, Taylor fut alors surnommé «superglu» ! Accusé par Samuel Doe d'avoir détourné 900000 dollars, il finit par s'enfuir aux États-Unis.

Le régime de Doe se fit de plus en plus sanglant pour maintenir sous son joug une population de plus en plus pauvre. Lorsque Charles Taylor revint au Libéria, fin 1989, il s'érigea en champion de la lutte pour le renversement de la dictature et trouva un certain appui dans la population écoeurée par le régime. Il est vrai aussi que s'il put déclencher la guerre contre Doe, c'est parce qu'il bénéficia de l'aide matérielle de la Guinée, et surtout de la Côte-d'Ivoire où il établit les bases arrières de sa guérilla. Cette aide logistique ne put pas se faire sans l'aval de la France, sans doute pas mécontente de placer ses pions et de mieux défendre les intérêts de capitalistes français dans cette partie de l'Afrique sous influence américaine. C'est ainsi qu'Usinor put profiter du pillage du minerai de fer, et Bolloré des bois précieux...

Un pays à feu et à sang

Depuis 1990, la guerre civile fait rage entre différentes factions armées qui se partagent le territoire et les richesses naturelles qui vont avec, les camps impérialistes armant et poussant en sous-main leurs favoris. C'est au cours de ces années de guerre et de rapines que de nouvelles factions se sont constituées sur des bases ethniques. Les conséquences sont terribles pour la population. On parle aujourd'hui de 200000 morts sur 3 millions d'habitants. 80% de la population, contrainte à l'exil dans les pays voisins ou à Monrovia, vit depuis des années dans des conditions de dénuement extrêmes. En 1991, la guerre s'est étendue au Sierra Leone voisin où elle a duré dix ans, dix ans d'horreurs pour la population de ce pays, qui dut subir entre autres choses la réactualisation d'une ancienne pratique des soldats belges au Congo, l'amputation des bras...

En 1997, les impérialismes américains, français et anglais ont décidé de calmer le jeu et d'entériner la suprématie sur le terrain de Charles Taylor en favorisant son élection comme président de la république... Mais Taylor a été rattrapé par la guerre qu'il avait déclenchée au Sierra Leone pour profiter du pillage des diamants dont ce pays regorge... Le LURD, la faction armée qui a pour le moment gagné la dernière manche de la guerre civile, compte dans ses rangs des éléments appartenant aux milices Kajamajores liées au président sierra leonnais Tejah, sans doute avec l'assentiment de l'impérialisme britannique qui le soutient.

Les dirigeants impérialistes font semblant de croire que le départ de Taylor va enfin permettre l'établissement de la paix au Libéria. Mais que vont faire les chefs des différentes factions liées à Charles Taylor ou à d'autres ? En tout cas, toute l'histoire du pays le montre, la population libérienne n'a rien à attendre des États-Unis et des autres puissances impérialistes, ces incendiaires qui veulent aujourd'hui faire croire que leur but est d'éteindre le feu qu'ils ont eux-mêmes allumé.

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