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Editorial
Canicule : Un gouvernement en dessous de tout
Des chefs de service des services d'urgence des hôpitaux ont alerté l'opinion sur l'augmentation importante du nombre de décès dus à la canicule, accusant le gouvernement de n'avoir pas prévu les moyens hospitaliers pour traiter tous les cas avant qu'il ne soit trop tard.
Les ministres en cause ont pris tout leur temps pour sortir de leur torpeur estivale, avant de réagir aux accusations des spécialistes et de mettre en place un dispositif d'alerte minimum, consistant pour l'essentiel à ouvrir un numéro vert. Certains d'entre eux ajoutant qu'il n'était pas dans les pouvoirs du gouvernement de faire la pluie et le beau temps, et qu'ils ne pouvaient pas être rendus responsables d'une vague de chaleur exceptionnelle.
Pourtant, le rôle de l'État, c'est de mettre en place des dispositifs contre les catastrophes naturelles comme les incendies ou les inondations, et il le fait bien mal. Son rôle, c'est de défendre la population, n'en déplaise à l'ex-ministre de la Santé du gouvernement Jospin, Bernard Kouchner qui s'est précipité au secours de ses successeurs, en s'indignant contre «cette société où on se tourne vers le gouvernement quand il fait chaud, ou quand il fait froid».
Il est incontestable que le gouvernement n'est pour rien dans la situation météorologique que nous subissons. De même rendons-lui cette justice, il ne porte pas à lui seul la responsabilité des déplorables conditions d'accueil qui existent actuellement dans nombre d'établissements hospitaliers. Cette situation est héritée de décennies et de décennies de dégagements de l'État à l'égard des services publics, de tous les services publics. L'alternance des gouvernements de gauche et de droite n'a, à aucun moment, ralenti cette dégradation.
On l'a constaté tout récemment. Les incendies de forêts, par exemple qui, même quand ils n'ont pas le tour dramatique qu'ils ont pris cette fois, se reproduisent chaque été. Et à chaque fois on entend les mêmes protestations contre l'insuffisance des moyens de lutte contre le feu, le même constat d'insuffisance des effectifs, aussi bien en hommes qu'en moyens matériels. Dans ce domaine, comme dans d'autres, l'État calcule au plus juste. Et tant pis si la situation qui se présente est plus grave que ne le prévoyaient les statistiques.
Il en va de même dans le domaine hospitalier. Mais en pire.
Là aussi, reviennent chaque année les mêmes protestations sur le manque d'effectifs, sur les lits que l'on ferme à longueur d'année faute de personnel, et bien plus encore durant les périodes d'été. Et cette situation va en empirant au fil des ans.
La dégradation des conditions d'accueil dans les hôpitaux, la dégradation des conditions de remboursement, donc d'accès aux soins qui touchent plus particulièrement ceux qui ont le moins de moyens, n'a pas cessé. Cette dégradation ne date pas du gouvernement Chirac-Raffarin. Mais cela n'exonère nullement ce dernier de ses responsabilités. Car il a bel et bien inscrit à son programme pour la rentrée le démantèlement du système de protection de la santé, poursuivant dans la voie tracée par les gouvernements précédents. Chirac et Raffarin continuent, comme Jospin et Kouchner, à fermer des hôpitaux de proximité, à maintenir des effectifs notoirement insuffisants en période normale dans les établissements hospitaliers, et qui le sont bien plus encore durant les mois d'été.
La canicule n'était sans doute pas prévue, mais ce qui était prévisible, c'est qu'une variation, somme toute minime de la température en France -quelques degrés de plus, sur une quinzaine de jours- , pouvait se traduire par des conséquences dramatiques pour les plus vulnérables, en particulier les personnes âgées isolées, faute de possibilité d'accueil dans des hôpitaux aux limites de leurs capacités.
Faisant écho à Kouchner, on peut se demander «qu'est-ce donc que cette société où l'on ne peut pas compter sur l'État pour protéger la vie des citoyens contre une vague de chaleur ?».