Algérie : Le retour de la peste14/08/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1828.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : Le retour de la peste

Triste symbole, la peste a fait sa réapparition en Algérie, pour la première fois depuis plus de cinquante ans. Dix cas de la maladie ont été recensés depuis le mois de juin dans l'ouest du pays. Les autorités tentent d'éviter la panique en assurant qu'il n'y a pas de risque de propagation de l'épidémie, notamment à Alger. Mais il y a bien longtemps que la population algérienne a cessé de croire à leurs discours.

Dans tout le pays les Algériens connaissent la dégradation dramatique de l'hygiène et des infrastructures publiques. Kehaïlia, le village proche d'Oran où les premiers cas de peste ont été signalés, était entouré de tonnes d'ordures, un cours d'eau asséché y fait office de décharge publique et l'eau potable y manque régulièrement depuis des années. Il a fallu attendre l'apparition des cas de peste pour que le nettoyage soit fait.

Malgré la réapparition d'une maladie qui pouvait passer, dans cette région, d'un autre âge, ce n'est qu'un fléau de plus qui vient se rajouter à la situation sanitaire catastrophique de l'Algérie. S'ajoutant aux inondations dont celle de novembre 2001 et au tremblement de terre, qui ont tué des milliers de personnes dans la région d'Alger, des épidémies, la tuberculose (presque 20000 cas par an), la typhoïde (2 400 cas en 2002), la diphtérie, la rougeole, la méningite, la gale... frappent la population et les plus pauvres sont les plus touchés.

À l'époque coloniale, lorsque l'Algérie était un «département français», ceux qu'on appelait les indigènes étaient maintenus dans des conditions sanitaires indignes. Le typhus, par exemple, avait décimé des dizaines de milliers de personnes dans les années quarante. Lors de l'accès à l'indépendance, il n'y avait que 350 médecins algériens pour une tâche à accomplir immense. Malgré cela, un progrès important avait été accompli dans les années 1970. En dix ans, le paludisme, la poliomyélite et la variole avaient quasiment été éradiqués. Bien des maladies infectieuses reculaient, réduisant de façon importante la mortalité infantile. Le nombre de médecins avait été multiplié par dix, et beaucoup de soignants de cette génération étaient animés de la volonté de sortir leur pays du sous-développement.

Mais l'essentiel des richesses du pays ont été, dès le début, accaparées et dilapidées par la bourgeoisie algérienne et les privilégiés du régime, avec une certaine retenue au lendemain de l'indépendance, puis sans se gêner ensuite. La politique menée par cette classe dirigeante, sous le regard complaisant de ses parrains occidentaux, a abouti à une situation où la libéralisation de l'économie, les privatisations, l'abandon des services publics, sont la règle y compris dans le domaine de la santé.

Pour l'Algérie comme pour le reste de l'Afrique, et comme finalement pour l'essentiel de la planète, il y a vraiment de quoi être révolté. Quand les médias français ont présenté la réapparition de la peste en Algérie comme un fléau lié aux tares dont souffre le pays, ils ont évoqué le danger qui pourrait toucher les ressortissants qui vivent de l'autre côté de la Méditerranée. À Marseille, il a fallu engager la chasse aux rats sur les bateaux qui font la liaison régulière avec Oran et Alger. Mais ce que l'on ne dit pas, c'est que ce retour en arrière est aussi le résultat d'une organisation sociale démente faite pour que soit préservée et maintenue la domination de quelques sociétés capitalistes, françaises notamment, en Algérie.

Partager