Grande-Bretagne - Les affrontements racistes d’Oldham : Derrière les surenchères démagogiques des politiciens08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1717.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne - Les affrontements racistes d’Oldham : Derrière les surenchères démagogiques des politiciens

Les affrontements qui ont éclaté dans la nuit du 27 mai à Oldham, cité ouvrière de l'agglomération de Manchester, ont bouleversé l'ordonnancement bien rodé de la campagne électorale en cours.

Tout semble avoir commencé par une rixe entre deux groupes, l'un formé de jeunes Anglais d'origine asiatique et l'autre de jeunes Anglais de souche. Les renforts appelés par ce second groupe se seraient alors répandus dans le quartier bengali de Glodwick Street, au centre-ville, pour s'y livrer à un début de ratonnade. Les jeunes du quartier se seraient alors mobilisés en nombre pour d'abord faire face aux assaillants, puis pour repousser à coups de pierres et de cocktails Molotov les forces de police antiémeute venues rétablir l'ordre.

Ces affrontements, qui ont duré toute la nuit du 27 au 28 mai, se sont ensuite reproduits au cours des deux nuits suivantes, bien que de façon sporadique, à Glodwick et dans d'autres quartiers asiatiques, là encore semble-t-il suite à des descentes de bandes de jeunes racistes blancs.

Il faut bien se rendre à l'évidence. Les affrontements d'Oldham n'ont rien à voir avec les émeutes des quartiers pauvres des grandes villes qui marquèrent les années 1980-1990, lorsque toute une jeunesse, en majorité de couleur (parce qu'ils constituaient la majorité de ces quartiers) mais pas seulement, s'en était prise aux symboles de la richesse dont ils étaient privés et du harcèlement répressif dont ils étaient victimes.

A Oldham il s'agit d'autre chose. Sans doute, comme toutes les villes ouvrières du nord-ouest de l'Angleterre, Oldham connaît les contrecoups de la crise et du chômage. Le textile, qui constituait son unique industrie, a presque totalement disparu au cours de ces dernières années.

Mais le quartier de Glodwick, bien que modeste, n'est pas parmi les plus pauvres. Et ses habitants, en particulier sa jeunesse, bien que touchée elle aussi par le chômage, comporte par exemple plus d'étudiants et de diplômés que bien d'autres quartiers. Il est significatif à cet égard qu'au cours des affrontements il n'y ait pas eu de pillage et que les édifices endommagés l'aient été parce que leurs propriétaires étaient accusés de racisme.

En fait Oldham a une longue histoire de tensions raciales, dont furent victimes d'abord les Antillais amenés là dans les années 1960 par les usiniers du textile pour servir de main-d'oeuvre à bon marché, puis par la suite les Asiatiques qui les remplacèrent ou qui vinrent de Manchester suite à la hausse galopante de l'immobilier.

Car il existe dans cette ville toute une population de souche, depuis longtemps marginalisée par la crise, qui vit dans des quartiers de taudis que la municipalité a depuis longtemps abandonnés à leur sort. Et c'est dans cette population blanche pauvre, amère d'être ainsi marginalisée, que la gangrène raciste prend la forme de gangs ratonneurs plus ou moins organisés - comme c'est d'ailleurs le cas dans bien d'autres quartiers pauvres du pays, y compris dans certaines banlieues de ses villes les plus riches, comme Londres en particulier.

Alors Blair a beau jeu d'accuser l'extrême droite raciste d'être responsable de la situation à Oldham qui, selon lui, serait exceptionnelle. Certes cette ville a été l'une des cibles privilégiées du British National Party (BNP), du National Front et autres groupuscules d'extrême doite et le président du BNP l'a choisie pour se présenter aux législatives du 7 juin. Mais pourquoi Oldham est-il un terreau si fertile pour le racisme ? Et est-ce le seul ? Que dire des jeunes de couleur qui sont grièvement blessés, parfois mortellement, presque tous les jours dans l'agglomération londonienne par des gangs racistes ? Que dire de l'hostilité croissante dans les cités les plus pauvres contre ces «immigrés» qui auraient «toutes les faveurs», en particulier en matière de logement, alors que les pauvres, eux, doivent se contenter de taudis ?

A qui la faute, sinon aux politiciens conservateurs puis travaillistes, qui depuis vingt ans ont arrêté la construction de logements sociaux ? Et qui, depuis quatre ans, pour détourner l'attention du monde du travail, se livrent à une surenchère sans fin, en montrant du doigt les immigrants comme s'ils constituaient une menace ?

Alors les politiciens peuvent bien se draper dans leur bonne conscience soi-disant libérale et s'absoudre mutuellement de toute responsabilité dans les événements d'Oldham, comme l'ont fait les leaders conservateurs et travaillistes, ce sont eux qui en attisant les flammes du racisme fournissent leurs armes aux nervis racistes, organisés ou pas, qui sévissent à Oldham et ailleurs.

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