En vingt ans, plus de vingt millions de morts, dont les trois quarts en Afrique ; 36 millions de personnes contaminées, soit plus de 12 % de la population mondiale ; 25 millions d'Africains victimes du sida, dont 4,7 millions de Sud-Africains (un sur neuf) ; la terrible comptabilité de cette maladie a été largement publiée en cette période anniversaire de la première description et définition des symptômes du sida, dans une revue scientifique américaine, en 1981.

A cette occasion, l'ONU a parlé d'«une catastrophe planétaire aux proportions colossales et sans précédent». Un appel a été lancé pour la constitution d'un fonds mondial pour la lutte contre le sida ainsi que contre la tuberculose et le paludisme, deux autres maladies qui, maîtrisées dans les pays riches, font elles aussi des ravages dans tous les pays pauvres de la planète. Mais ce n'est là ni le premier appel ni le dernier, sans que les grands de ce monde soient plus disposés qu'auparavant à tout mettre en oeuvre, sur le plan financier, matériel et humain pour lutter vraiment contre la maladie. De son côté, Jospin vient de faire un voyage en Afrique du Sud au cours duquel, parmi toutes ses proclamations humanitaires, il a préconisé la conciliation entre «la liberté d'industrie et de commerce avec les réalités économiques et sanitaires du monde contemporain». Soigner les pauvres qui meurent du sida, certes, mais en soignant aussi les profits des trusts pharmaceutiques, voilà la grande idée de Jospin ! L'hypocrisie des grandes puissances et de leurs représentants n'a pas de borne.

Il n'y a qu'à peine un mois et demi que les 39 trusts pharmaceutiques (Bayer, Aventis, etc.), qui prétendaient interdire à l'Afrique du Sud d'utiliser les médicaments génériques (moins chers que les autres) contre le sida, ont retiré leur plainte contre une loi sud-africaine de 1997 autorisant la production et l'importation de tels médicaments. Cela peut certes aider ceux qui, dans ce pays, luttent contre la maladie. Mais cela restera nécessairement très en deçà des besoins vitaux, dramatiquement urgents, qu'exige la maladie. Et surtout cela souligne combien la lutte contre une maladie comme le sida passe par la lutte contre la misère et contre la dictature des trusts des industries pharmaceutiques sur les pays pauvres.

Car les moyens de lutter contre cette maladie (comme contre bien d'autres) existent. Mais ils ne sont pas à la disposition des pays et des populations qui en ont le plus besoin. Les trusts des industries de la santé ne fournissent les traitements médicaux qu'à ceux qui peuvent payer cher, très cher. A l'heure actuelle, le budget correspondant à un seul lit dans un hôpital américain équivaut à celui dont dispose tout un hôpital africain. Et combien d'hôpitaux africains n'en ont que le nom et sont de véritables mouroirs, dépourvus de tout ?

Si les Jospin et consorts ne sont pas avares de discours, dans les faits, ils ne servent que les intérêts de leurs trusts nationaux, pharmaceutiques et autres, pour lesquels la vie de millions d'êtres humains ne représente qu'une simple affaire de gros sous. C'est dire que la lutte contre la misère, les maladies, le sida est indissociable de la lutte contre le capitalisme.