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- Lutte ouvrière n°1717
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Tribune de la minorité
Tribune : Le 9, le 13 et la suite...
A quelques jours de la manifestation du 9 juin - à laquelle ont appelé les salariés et leurs syndicats dans les entreprises qui licencient ainsi que d'autres organisations syndicales, d'entreprises, locales, régionales, fédérales ou confédérales, des associations, des partis politiques dont le PCF, LO et la LCR - il reste encore un peu de temps à tous pour oeuvrer à ce qu'elle soit un succès et que la participation soit la plus importante possible. Avant tout, comme l'ont annoncé les LU-Danone, Marks & Spencer, AOM et tous les autres : face à la vague de licenciements, «il s'agit désormais de réagir tous ensemble afin de ne pas être battus les uns après les autres».
Face à cette initiative, le gouvernement Jospin fait tout ce qu'il peut, à la fois pour satisfaire le patronat en ne prenant surtout aucune mesure qui puisse ressembler à l'interdiction des licenciements, et pour reprendre en mains sa majorité fragilisée par la prise de position du PCF.
L'engagement du PCF pour cette manifestation pèse effectivement d'un poids très important et nous ne pouvons que nous réjouir qu'il mette son influence et ses forces à la réussite de cette initiative. Dommage qu'on ne puisse en dire autant de la confédération CGT - et encore moins de FO ou de la CFDT - qui malgré l'engagement de nombre de ses syndicats à différents échelons, allant de la section d'entreprise à la fédération de branche ou l'union départementale ou régionale, se contente jusque-là de l'envoi d'une simple délégation.
En reculant la date du vote de cette loi, dite de «modernisation sociale», en proposant d'y changer quelques termes sur la définition du «licenciement économique», en laissant entendre que des «médiateurs» pourraient être nommés pour concilier les points de vue en cas de plans sociaux, en faisant miroiter aux directions syndicales qu'elles pourront avoir des représentants dans les conseils d'administration, mais sans droit de veto, le gouvernement espère bien amener le PCF, après avoir bien défilé dans la rue le 9 juin, à voter sa loi le 13 juin et à donner ainsi une caution à sa politique. Tout le monde y trouverait alors son compte, Jospin, Seillières, Thibault... tout le monde sauf évidemment les licenciés qui resteraient licenciés, les autres travailleurs, licenciés en puissance, qui verraient sous la pression du chômage à la fois la précarité continuer de grandir, les cadences de travail s'accélérer et les salaires diminuer.
Jospin et Guigou parviendront-ils à leur objectif et le PCF va-t-il après avoir manifesté se ranger une fois encore ?
Bien sûr rien n'est encore dit et nous ne pouvons savoir quelles sont les capacités et la volonté des dirigeants du PCF à pousser toujours plus loin leur grand écart. Il serait malheureusement hasardeux de parier que non. Le précédent du 16 octobre 99 avec la manifestation dont le PCF avait pris l'initiative à la suite des licenciements à Michelin, ce qui ne l'avait pas empêché de voter trois jours plus tard la loi Aubry, prouve que l'objectif déclaré de Robert Hue et de la direction du PCF d'avoir à la fois un pied dans la rue et un pied dans le gouvernement et les institutions, peut le conduire à voter le 13 juin une loi bidon.
Un article de «l'Humanité» de mardi 5 juin de Maurice Ulrich sous le titre «faire du 9, la rue et la loi» préparait à sa façon une telle option. «... Il ne saurait y avoir dans cette affaire la rue d'un côté, la politique de l'autre. Séparer l'une de l'autre serait refuser la protestation de trouver les chemins de l'efficacité, choisir le cri de l'impuissance. On sait déjà que "l'Affaire du 9" va marquer le paysage national. Elle va peser le 13 juin sur la loi dite de modernisation sociale et les décisions que prendra ou non le gouvernement sous la pression du PCF pour obtenir de réelles garanties contre les plans sociaux». Les «réelles garanties» entendues par l'auteur de l'article n'incluant pas l'interdiction des licenciements...
A l'opposé des calculs politiciens, les aspirations des travailleurs et des militants, à commencer par ceux du PCF, sont bien claires. Il s'agit de dire non aux licenciements et suppressions d'emplois. En témoigne le succès grandissant de l'idée d'interdiction des licenciements.
Pour leur vendre une loi qui tourne le dos à ces aspirations, il va falloir lui faire dire bien des choses qu'elle ne contient pas, jeter beaucoup de poudre aux yeux. Ce sera d'autant plus difficile que les aspirations réelles des manifestants, au travers des slogans et des mots d'ordre, seront exprimés précisément et clairement ce samedi. De cela peut dépendre, en plus du nombre des manifestants, que le 9 juin ait ou pas la prolongation et le développe ment qui s'impose.
La loi pour interdire les licenciements se fera d'abord, là où le rapport de forces peut être en faveur des travailleurs, c'est-à-dire dans la rue et dans les entreprises.