Pérou : Un nouveau président pour la même misère08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1717.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pérou : Un nouveau président pour la même misère

C'est finalement Alejandro Toledo, un économiste de 55 ans, qui avait été l'un des artisans de la chute de Fujimori, qui a quitté le pouvoir et même le pays en novembre dernier, qui l'a emporté avec près de cinq points d'avance (52 % contre 47,8 % selon les derniers résultats connus) sur son adversaire de ce deuxième tour de l'élection présidentielle, Alan Garcia, social-démocrate et ex-président de 1985 à 1990.

La fin du précédent régime avait été marquée par la mise au grand jour de la corruption de l'appareil d'Etat, qui s'était traduite par le truquage de la précédente élection présidentielle, il y a quatorze mois. Aujourd'hui, Washington garantit au monde entier que ces élections se sont déroulées sans truquage. La comédie de l'élection présidentielle nord-américaine donne toute la valeur de cette «garantie».

Et, bien entendu, la pourriture de l'appareil d'Etat n'est pas effacée d'un coup de baguette magique. Les Péruviens qui sont dans l'obligation d'aller voter n'avaient le choix qu'entre un ex-président qu'ils ont déjà vu à l'oeuvre et un nouveau qui n'a encore rien fait, même si ses travers connus (consommation de drogue et fréquentation des prostituées) n'en faisait pas un candidat très attrayant.

Si on ajoute qu'il a poussé la démagogie jusqu'à se déguiser à l'occasion en Pachacutec, un chef inca qui parvint à conquérir et unifier en un empire le monde inca (au xve siècle), on aura compris que cet aventurier politique, avide de pouvoir, n'a que mépris pour les travailleurs, les chômeurs et les paysans pauvres dont il lui fallait gagner les voix pour l'emporter.

Malheureusement il n'y avait aucun candidat pouvant exprimer les intérêts des masses pauvres de ce pays de 26 millions d'habitants, et Alejandro Toledo ne s'est pas privé de mettre en avant ses origines indiennes (il est le premier président péruvien d'origine indienne), et le fait qu'il a gagné sa vie autrefois comme cireur de chaussures et vendeur de journaux. Mais, depuis, des études d'économie l'ont conduit à un poste de consultant de la Banque mondiale, c'est-à-dire à devenir un acteur d'un des instruments dont l'impérialisme dispose pour imposer sa domination à un pays pauvre comme le Pérou.

Pour se faire élire, Toledo a multiplié les promesses à une population dont 60 % survit grâce à des «petits boulots». Il a promis de créer 2,5 millions d'emplois, d'augmenter les salaires, de baisser les impôts, de développer l'agriculture et l'industrie, d'améliorer l'éducation, d'augmenter le nombre des fonctionnaires, d'attirer les investissements étrangers et de gérer sérieusement les caisses de l'Etat, alors qu'il sait d'ores et déjà qu'il n'en fera rien.

Quant à la lutte contre la corruption entamée par le président par intérim, Panaguia, elle a laissé en place cet appareil militaire réactionnaire qui, comme dans tant de pays pauvres, détient la réalité du pouvoir. L'arrestation de plusieurs généraux et de près de 200 hauts officiers poursuivis pour corruption n'y changera rien.

C'est sur la situation économique et sociale que la population attend des résultats, dans un pays où la récession a fait qu'un Péruvien sur deux est sans travail. Pour gouverner, il lui faudra s'allier avec d'autres partis politiciens, car son propre parti, Pérou Possible, n'a que 45 sièges sur les 120 du Parlement. Mais quelles que soient les combinaisons politiciennes éventuelles, les travailleurs et les pauvres du Pérou n'ont rien à attendre ni de Toledo ni de ses semblables.

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