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Pologne : Les supermarchés francais n’écrasent pas les prix... mais les conditions de travail de leurs employés
Depuis une dizaine d'années, les supermarchés et hypermarchés se sont multipliés en Pologne.
Les groupes français, Casino, Auchan et bien d'autres, n'ont pas été les derniers à s'y installer et à user de toutes les ficelles pour exploiter les travailleurs polonais.
Parfois ouverts 24 heures sur 24, situés à des kilomètres des centres villes, mais dotés d'immenses parkings ou proches de terminus de transports en commun, soutenus par de grosses campagnes de publicité, ils ont souvent écrasé les «stands» de marchés ou les petits magasins de centre ville qui ont perdu, pour ceux des petites villes, entre la moitié et les deux tiers de leur clientèle. Et bien entendu, ils n'ont pas écrasé les prix, puisque ceux-ci sont souvent identiques à ceux pratiqués en Europe occidentale, pour une clientèle à pouvoir d'achat moindre.
Aucun de ces supermarchés n'est de marque polonaise.Tous appartiennent à des chaînes françaises, allemandes, britanniques, néerlandaises, portugaises ou autres. Makro est une marque du groupe allemand Metro, Auchan, Conforama, Geant Polska issu du groupe Casino sont français, Ikea suédois, etc.
Les groupes français sont particulièrement présents. Et cela a permis à certains d'entre eux de s'illustrer ces derniers temps par d'autres records. Des contrôles de l'Inspection du travail, effectués en 1999 et 2000, ont montré que 58 supermarchés appartenant à 18 groupes - et parmi eux la quasi-totalité des enseignes françaises - étaient en infraction par rapport au Code du travail polonais, qui n'est pourtant pas des plus exigeants.
Le cynisme des employeurs
Certains supermarchés n'ont ainsi pas versé de primes pour le travail de nuit, ont rogné sur les congés ou sur les jours fériés supplémentaires, n'ont pas payé les salaires dans des délais normaux. En mars dernier, quatre salariés d'Obi (magasins de bricolage) ont été licenciés pour avoir tenté de fonder un syndicat. L'Inspection du travail polonaise a elle-même évoqué «la peur de témoigner» des employés de supermarchés.
Les dirigeants des enseignes françaises présentes en Pologne ont répondu à ces faits avec un total cynisme. Le directeur général de Geant Polska (groupe Casino) s'est ainsi expliqué sur une affaire survenue il y a deux ans, où une jeune vendeuse avait été obligée de se mettre aux patins à roulettes lors de sa période d'essai, avait fait une chute que la direction du magasin n'avait pas voulu considérer comme un accident du travail et avait dû renoncer à son emploi. Ce directeur a déclaré qu'il s'agissait d'un problème de «choc culturel», disant : «Les rollers, c'était quelque chose de tout à fait habituel pour nous, alors que pour les Polonais c'était nouveau. L'Inspection du travail s'est demandé s'il s'agissait de chaussures de travail ou non. Il y a plein de petits détails comme ça qu'il faut sans cesse préciser». Certains ont déclaré que «la loi polonaise n'était pas facile», le directeur des ressources humaines d'Auchan Pologne affirmant : «Dans la grande distribution, on ne peut pas faire des horaires d'administration».
Ce dernier a déclaré souhaiter qu'«en contrepartie de la baisse de la durée légale du travail à 40 heures en Pologne dans deux ans, les employeurs bénéficient d'un peu plus de souplesse». Il a toutes les chances d'être exaucé ! Les gouvernants polonais sont en train de préparer un nouveau Code du travail, prétendant qu'ils s'inspirent de la façon dont le gouvernement français, avec les 35 heures et la flexibilité du travail, a «résorbé» le chômage. Et effectivement, les différentes moutures du nouveau Code du travail polonais, tel qu'il est discuté dans la presse, montrent que tout va dans le sens d'une fluidité encore plus grande des règles qui pourraient protéger les salariés. Ainsi, selon un projet publié par Polytyka du 24 mars 2001, le temps de travail serait de 42 heures, comme actuellement, mais son calcul pourrait désormais permettre des journées de 12 heures.
Flexibilité et licenciements
Quant aux supermarchés étrangers, tout laisse penser qu'ils vont pouvoir se multiplier sans entraves. De 1990 à 1997, la Pologne a été un véritable terrain vierge pour le développement des supermarchés et, faute de capitaux suffisants, les investisseurs polonais potentiels ont été doublés par ceux d'Europe occidentale. Depuis 1998, il a été question de limiter les implantations. Il y a quelques mois, une nouvelle loi sur l'aménagement du territoire a été promulguée afin, officiellement, de freiner leur développement. Mais il est prévu qu'elle ne peut annuler les concessions déjà octroyées à deux cents nouveaux supermarchés prévus.
Et en ce qui concerne les entreprises étrangères, tout va également dans le même sens. En l'an 2000, la Pologne a détenu le record des investissements étrangers parmi les pays d'Europe centrale et orientale : 10,6 milliards de dollars, avec la France en tête grâce à l'achat par France Telecom de 35 % du capital de l'entreprise téléphonique nationale, TPSA.
Cela n'a pas empêché dans le même temps le chômage de battre lui aussi des records. Il atteint, en se basant uniquement sur les statistiques officielles, 15,9 % de la population active, soit près de 3 millions de personnes (pour un pays de 40 millions d'habitants). Les entreprises étrangères figurent en bonne place parmi les licencieurs.
L'automobile, où il n'y a plus de fabricant polonais, devrait perdre 20 000 emplois cette année, après en avoir perdu 6 000 en 2000, alors qu'elle était à 97 000 emplois en 1999. Moulinex, qui vient d'acheter l'usine d'électro-ménager Polar, y annonce les 560 premiers licenciements, sur 1700 qu'il y a prévus. Goodyear licencie. Et dans le même temps les entreprises étrangères installées en Pologne annoncent des bénéfices records.
Et le gouvernement polonais, craignant de voir se tarir la manne que représentent pour lui les privatisations, vient de prendre de nouvelles dispositions en faveur de l'investissement étranger. Pour tout investissement de plus de 10 millions d'euros, il est prévu le remboursement par l'Etat polonais de 25 % des investissements, le versement de 3 500 euros pour chaque emploi créé ainsi que de 1 150 euros pour la formation de chaque employé. Et pour les investisseurs de moins de 1,5 million d'euros, l'Etat participera à la modernisation de leurs entreprises et au maintien de l'emploi.
On le voit, quand on dit aux travailleurs d'ici que, s'ils n'acceptent pas tout des patrons, ces derniers iront investir dans les pays de l'Est ou ailleurs, où la main-d'oeuvre est moins chère, ce n'est que discours que ces mêmes patrons servent sans vergogne aux travailleurs de ces pays-là aussi. Preuve que le fonctionnement comme les arguments des capitalistes sont rigoureusement les mêmes ici comme là-bas.