Débat LO-LCR - Les échéances électorales de 2002 : L’intervention d’Arlette LAGUILLER08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1717.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Débat LO-LCR - Les échéances électorales de 2002 : L’intervention d’Arlette LAGUILLER

L'objet du débat d'aujourd'hui est de discuter de notre façon d'aborder les élections de l'année prochaine. Tous les aspects de nos positions respectives ne sont pas encore fixés, puisque la LCR ne décidera définitivement de sa démarche que lors de sa conférence nationale du 23 juin et que nous ne pourrons examiner ses propositions pour la présidentielle et les législatives qu'au plus tôt à la même époque et en fonction de ce qu'elle nous propose.

En fait, nous avons, depuis les élections municipales, bien d'autres préoccupations que la présidentielle ou les législatives de l'année prochaine.

Il y a eu bien sûr l'actualité sociale, notamment les manifestations de Calais, du 1er mai ou celle de la CGT du 22 mai, dans lesquelles nos camarades se sont investis pour que nos appels à toutes ces manifestations ne soient pas seulement des gestes symboliques, mais pour que nous participions à toutes ces manifestations de façon militante en nous y investissant, ce qui n'a pas été tout à fait le cas de la LCR sous un prétexte que nous jugeons fallacieux. En effet, ce qui comptait, c'était l'intérêt des LU !

C'est dire que les élections sont bien moins dans nos préoccupations que pour la LCR.

La seule décision que nous avons prise de longue date est que je serai candidate lors de la présidentielle de 2002.

Nos camarades de la LCR, dès le lendemain des municipales pour lesquelles, rappelons-le, la LCR voulait nous imposer sa politique de «100 % à gauche», ont voulu impérativement obtenir une réponse à leur proposition d'une candidature commune dont ils n'ont pas encore tranché le contenu. Alors, pourquoi nous demander à nous de nous déterminer, alors qu'ils ne veulent pas le faire ? Serait-ce une candidature commune LO/LCR, ou LO et LCR- 100 % à gauche, avec, dans la foulée, des candidatures présentées de la même façon aux élections législatives ?

Si ma candidature à l'élection présidentielle à venir va de soi pour tous les camarades de Lutte Ouvrière, c'est tout simplement parce qu'elle est la conséquence d'une politique que nous menons depuis 1974, lorsque je me suis présentée pour la première fois à une élection présidentielle. Une politique différente de celle de la LCR qui, depuis 1969 et 1974, où Alain Krivine avait été présenté, a suivi une politique erratique, consistant surtout à trouver, avec de moins en moins de réussite, un candidat de rassemblement d'une gauche objectivement anticapitaliste inexistante.

Nous avons fait le choix de présenter à l'élection présidentielle systématiquement le même programme par la même candidate.

D'abord parce que profiter des consultations électorales pour défendre une politique correspondant aux intérêts des travailleurs est une question de principe pour ceux qui se revendiquent du mouvement ouvrier.

L'élection présidentielle offre l'intérêt de se présenter à l'ensemble des électeurs, ce qui pour nous signifie se présenter à tous les travailleurs.

Dès 1974, une femme, une travailleuse candidate

LO a fait, en 1974, le choix de présenter à l'élection une femme, une travailleuse. Je souligne en passant que, si la LCR se flattait surtout à l'époque d'être féministe, elle n'a pas eu le courage, elle, de choisir une femme. Nous LO, nous parlons moins de féminisme mais c'est dans les faits que nous montrons la place que nous accordons aux femmes.

De fait, en 1969, les dirigeants de l'époque de la section française de la IVe Internationale ont préféré présenter la candidature médiatique de Krivine.

Et puis, depuis 1974, LO a fait le choix de me présenter systématiquement. Sans doute parce que mes camarades n'ont pas jugé nécessaire de me remplacer et surtout parce que cette présence systématique et la politique au nom de laquelle elle a été assurée, et dont je vais parler après, étaient indispensables pour que notre politique finisse par être entendue.

La LCR, du moins une partie de sa direction même si c'est une majorité, trouve, paraît-il, aujourd'hui indispensable que je sois la candidate de l'extrême gauche. C'est assez nouveau pour être remarqué.

Mais, si ceux de la direction de la LCR qui sont pour une unité de candidature LO/LCR considèrent eux-mêmes que ce choix s'impose, ce n'est certainement pas dû à ma personnalité, à mon prétendu charisme, comme cela a été dit dans le passé, notamment dans les colonnes de Rouge au lendemain de l'élection présidentielle pour commenter les 5,3 % qui se sont portés sur ma candidature.

En 1974, Alain Krivine était bien plus connu que moi-même. Il avait pour lui de s'appuyer sur une organisation, la LCR, numériquement bien plus importante à l'époque que LO. Il s'était fait connaître avant Mai 68 à travers la création de la JCR, issue de la scission de l'UEC. Il a été parmi les personnalités connues de Mai 68, en tout cas de ses aspects étudiants. Il avait pour lui sa candidature en 1969.

Et si, aujourd'hui, une fraction plus importante de l'électorat se reconnaît en ma candidature, c'est en raison de la politique que je défends. En dépit de ce que disent tous ceux qui sont opposés à cette politique et qui voudraient faire croire que la proportion des voix qui se portent sur moi-même ou sur LO serait due à tout et à n'importe quoi.

En 1974, tout le monde se gaussait parce que je commençais mes discours par «Travailleuses, travailleurs». Mais c'était un choix politique, celui d'intervenir dans les élections en cherchant à représenter les intérêts politiques, les aspirations, les revendications de la classe ouvrière, du monde du travail, de ceux qui, ouvriers, employés, chômeurs, techniciens, ingénieurs, retraités, font fonctionner l'économie et qui n'ont pour vivre que leur salaire.

En 1974, comme bien après, combien de fois n'avons-nous pas entendu que c'était ringard !

Mais c'était un choix social, un choix différent socialement de ceux de la LCR qui a voulu soutenir d'autres politiques, derrière Juquin en 1988 et même Voynet ou Hue en 1995.

Et la politique que mes camarades et moi-même avons défendue à l'occasion de toutes les présidentielles, comme à l'occasion d'autres élections où nous nous sommes présentés en fonction de nos forces, n'a jamais été une politique de «rassemblement» entre organisations diverses représentant des orientations contradictoires.

Nous avons toujours cherché dans les campagnes électorales à défendre les intérêts politiques et sociaux des travailleurs, et pas des «nouvelles couches de salariés» comme certains dirigeants de la LCR le font. Nous avons toujours cherché à parler des problèmes de la classe ouvrière en parlant un langage de classe.

Un choix de classe

Par le choix de nos mots comme par les idées et les revendications mises en avant, nous avons toujours cherché à représenter les soutiers de l'économie, les travailleurs, et en particulier ceux qui sont en bas de l'échelle avec le travail le plus pénible et le plus mal payé. Et, en particulier, les travailleurs immigrés.

Ces ouvriers, que la bourgeoisie et surtout ses intellectuels et ses représentants politiques ignorent et ne découvrent que lors des grèves ou des luttes sociales, représentent dans ce pays quelque 8 millions de femmes et d'hommes. Ce sont ceux qui travaillent sur les chaînes de production, le jour mais aussi la nuit, des hommes et, depuis peu, «grâce» au gouvernement socialiste, également des femmes.

Mais la classe ouvrière, le monde du travail, est forte aussi de toutes celles et de tous ceux, employés, techniciens, dont les salaires sont proches de ceux des précédents, à qui ils sont souvent liés personnellement. Alors, pourquoi parler plus volontiers des nouvelles couches ? La réponse est simple, c'est pour ne plus parler des «anciennes couches», celles qui sont le plus exploitées.

C'est dans la classe ouvrière que Marx et bien d'autres depuis ont vu la classe sociale susceptible de changer les structures sociales et de libérer la société du carcan du capitalisme.

Nous ne savons pas quand et comment cette classe ouvrière acceptera une telle tâche.

Nous ne savons même pas si cela arrivera, car l'avenir n'est écrit nulle part.

Mais nous avons choisi, nous LO, de consacrer nos forces militantes à ce que cette classe ouvrière, même si elle est moins nombreuse qu'elle était en valeur absolue, retrouve la conscience et la vigueur qui, dans le premier quart du xxe siècle, a failli arracher le pouvoir de la bourgeoisie et poser les bases d'une société égalitaire, sans exploitation, sans oppression.

Nous n'avons jamais voulu changer notre langage pour trouver des nouveautés à dire en parlant, par exemple, de forces «objectivement anticapitalistes, antilibérales, antimondialistes, etc».

Les organisations qui se disent révolutionnaires peuvent ne pas l'être réellement, mais celles qui ne se disent pas telles ne le sont sûrement pas.

Nous n'avons jamais cherché des alliances électorales pour faire des voix. Non pas que le nombre de votes que les électeurs nous accordent soit indifférent ! Mais ces votes, nous avons toujours voulu les obtenir pour nos idées, pour notre politique, et pas en édulcorant ces idées pour ne pas choquer des électeurs réformistes.

Alors, ceux qui votent LO ne sont pas tous d'accord avec LO et avec ses orientations fondamentales. Nombre d'entre eux ne sont pas eux-mêmes des travailleurs. Mais c'est cependant sur la base des idées que je viens d'évoquer que nous avons accru progressivement notre audience électorale. Et c'est d'ailleurs l'audience acquise par cette politique dont a pu bénéficier la LCR elle-même lors des élections européennes.

D'ailleurs, la LCR, avec un certain mépris, parle de nos succès (tout relatifs d'ailleurs) en affirmant qu'ils seraient dus à la «popularité» d'Arlette Laguiller, comme si la politique que je défends sans varier n'était pas à l'origine de cette popularité. Il n'y a pas si longtemps, certains dirigeants de la LCR comparaient nos scores aux leurs en parlant de «savoir-faire électoral de Lutte Ouvrière». Ce n'est pourtant pas notre savoir-faire qui est en jeu, c'est notre politique. La LCR ne s'en est pas encore, malheureusement pour elle, rendu compte.

Une partie de la LCR voudrait s'appuyer sur cette popularité, en souhaitant sans doute que LO fournisse la candidate tandis que la LCR fournirait la politique. Mais c'est la politique qui compte et nous ne fournirons pas l'une sans l'autre !

La LCR n'a pas cherché à nous soutenir depuis vingt ans. Alors c'est bien facile d'arriver maintenant en nous disant : «Laissez-nous modifier votre programme car vous n'y connaissez rien».

Pourquoi donc changerions-nous de politique ?

Ce n'est pas maintenant que les idées, les choix de classe que nous défendons, ont percé un peu le mur du silence depuis la présidentielle de 1995, que nous allons les abandonner. Ce n'est pas négociable.

La LCR pourrait très bien faire le choix, si elle le voulait, d'appeler à voter pour ma candidature sans demander une profession de foi commune, des meetings communs où, sur la même tribune, l'orateur de la LCR et celui de LO diraient des choses différentes, si ce n'est complètement contradictoires.

En 1995, lors de la présidentielle précédente où la LCR avait pourtant appelé indifféremment non seulement pour Laguiller mais aussi pour Robert Hue et pour Dominique Voynet, a-t-elle exigé de Voynet un accord électoral ? A-t- elle demandé à Robert Hue une profession de foi commune pour cela ? Non !

En fait, si la LCR nous demande de discuter d'une plate-forme commune, c'est parce qu'elle trouve que les idées que nous défendons depuis 1974 sont trop loin des siennes, sans doute à juste titre.

Eh bien, je répète : cesser de défendre les idées que j'ai défendues dans toutes les campagnes, il n'en est pas question ! Vis-à-vis de nos électeurs, nous n'avons pas le droit de changer d'orientation.

Ce qui est vrai, c'est que nous ne nous adressons pas exactement au même électorat, même si nos électorats respectifs se recoupent dans une large mesure.

Là où nous parlons de travailleurs, de classe ouvrière, de capitalisme, la LCR parle de mondialisation, de libéralisme, de Seattle, de Porto Alegre. Là où nous parlons d'extrême gauche, de politique représentant les intérêts politiques des travailleurs, la LCR parle de «100 % à gauche».

Même si la prochaine conférence nationale de la LCR décide réellement, c'est-à-dire avec la volonté de s'engager et de militer, de choisir ma candidature comme candidature commune, je ne suis pas certaine que les électeurs de la LCR accepteront de voter pour cette candidature.

Et c'est bien normal, car vouloir militer pour que la taxe Tobin (du nom du conseiller financier de Carter, ex-président des USA, et soutenue par Pasqua) soit acceptée par les gouvernements n'implique pas pour autant qu'on souhaite organiser la classe ouvrière dans la perspective d'une transformation radicale de la société. Et, après tout, pourquoi ce type de différence ne s'exprimerait pas dans ces élections ?

Cela ferait moins de voix pour chacun des candidats ? Peut-être. Encore que, même là, ce n'est pas sûr. En tout cas, les commentateurs additionneraient au lendemain des élections les votes se portant sur l'un et sur l'autre des candidats pour parler des votes d'extrême gauche. C'est ce qu'ils ont fait pour les élections municipales.

L'existence de deux candidats se revendiquant de l'extrême gauche empêcherait que l'un ou l'autre passe devant Robert Hue ? Et alors ? Il n'est pas dans notre ambition politique de vouloir seulement dépasser Robert Hue. Cela dépend comment !

Et ce qui serait significatif, ce serait de dépasser le candidat du Parti Socialiste, ça oui ! Mais, même en étant d'un optimisme sans limite, cela ne fait pas partie des possibilités d'aujourd'hui.

Voilà, camarades, en résumé, notre réflexion.

Mais je répète que nous n'avons pas encore pris notre décision par rapport aux propositions de la LCR, pour la bonne et simple raison que ces propositions sont pour le moment vagues et sans signification et que, de plus, seul notre Comité central ou même, pour nos amis, une conférence nationale pourrait en décider.

La LCR est divisée entre plusieurs tendances, dont certaines ne veulent pas s'allier à nous, ou ne le veulent qu'en nous posant des conditions politiques.

Même sur une question aussi simple que l'attitude au deuxième tour, la LCR n'a pas pris jusqu'à maintenant une position publique claire et sans équivoque.

Nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas engager une discussion sur la base de ces ambiguïtés. C'est à la LCR de régler préalablement ses problèmes.

Ce qui, en tout cas, est certain, c'est que je me présenterai sur la base du programme qui est le nôtre, qui est clairement connu car c'est le même depuis vingt ans.C'est à la LCR de choisir le sien, chose qui n'est pas faite, et de réfléchir si le programme qu'elle entend défendre à l'élection présidentielle est compatible avec une candidature commune, ou pas.

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