Nous sommes tous des cheminots19/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/lo-2394.jpg.445x577_q85_box-0%2C130%2C1712%2C2350_crop_detail.jpg

Editorial

Nous sommes tous des cheminots

Depuis mardi 10 juin, des dizaines de milliers de cheminots sont en grève contre la réforme ferroviaire. Ce que le gouvernement présente comme une réunification salutaire entre la SNCF et RFF n'est qu'un plan de compétitivité destiné à réaliser des milliards d'économies sur le dos des usagers et des cheminots, en vue de la privatisation de la SNCF.

Pour les cheminots, elle se traduira par plus de flexibilité, par des jours de congés en moins, par le blocage de leurs salaires et des suppressions d'emplois. Les cheminots disent non, ils ont raison.

Le gouvernement a choisi l'épreuve de force. « Il faut que cette grève s'arrête », ont ordonné Hollande et Valls. Cuvillier, le secrétaire d'État aux Transports, a même accusé les cheminots d'être des incendiaires. Comme les grévistes de l'usine d'Aulnay-sous-Bois avaient été accusés par les dirigeants de Peugeot d'être des casseurs, voilà que c'est le tour des cheminots.

Cette fois, ce n'est pas une grande famille bourgeoise qui manifeste sa rage, mais un gouvernement PS. En se montrant aussi autoritaire contre les grévistes qu'il est à plat ventre devant les patrons, il apparaît sous son vrai jour.

« Il en va de la sauvegarde de la SNCF et de sa modernisation », se défendent les ministres. Mais, de Peugeot à La Poste en passant par La Redoute ou par Bouygues Telecom, on sait ce que cachent les mots de modernisation ou restructuration : une régression et des attaques contre l'emploi et les conditions de travail.

On peut être usager de la SNCF et touché par la grève, on n'en demeure pas moins un ouvrier ou un employé qui mesure les conséquences de ces reculs, pour les subir soi-même.

Les politiciens et les médias se répandent en calomnies contre les cheminots. Quel cinéma les médias ont-ils dû faire pour que « l'exaspération » des usagers s'exprime ! Quelle dramatisation autour du bac ! C'est écoeurant.

À chaque fois que des travailleurs se battent pour ne pas être transformés en chômeurs et pour leurs droits les plus stricts, ces gens-là les clouent au pilori et les accusent d'être des privilégiés et des irresponsables. C'est d'ailleurs aussi parce qu'ils se battent que les intermittents du spectacle sont accusés d'être les enfants gâtés du régime de chômage !

Patronat et gouvernement voudraient que l'on se taise et se résigne face à leurs mesures antiouvrières. Alors, que les cheminots et les intermittents du spectacle relèvent le gant est une bonne chose pour tous les travailleurs, car il faut rompre cette spirale qui nous tire tous vers le bas.

Bien sûr, la grève des cheminots « gêne ». Mais, si les cheminots sont en mesure de bloquer sérieusement la marche de la société, c'est qu'ils sont indispensables. Il en va de même pour tous les travailleurs. Les intermittents ne peuvent pas bloquer les trains, mais ils peuvent aussi peser sur l'économie.

L'annulation d'un festival comme celui d'Avignon coûterait, dit-on, plusieurs millions d'euros pour les hôteliers ou les restaurateurs. Chaque jour de grève coûterait 20 millions à la SNCF.

Eh bien, cela donne une idée de ce que les travailleurs rapportent au quotidien et prouve qu'ils apportent infiniment plus à la société qu'ils n'en retirent. S'ils n'ont pas leur part, c'est que celle-ci leur est volée par une minorité qui se repaît de l'exploitation.

Cela donne aussi une idée de la force que nous représenterons lorsque tous les contingents de salariés entreront en lutte ensemble, avec la conscience que, par-delà nos secteurs d'activité, nous subissons la même offensive et que nous avons les mêmes exigences à défendre.

Alors oui, il faut marcher la tête haute, être conscients de nos droits et nous battre pour nos intérêts. Nous sommes mille fois plus utiles que ces parasites qui nous font la leçon. Les cheminots, comme les intermittents, ouvrent la voie et peuvent en être fiers.

Jusqu'où les cheminots vont-ils pouvoir aller ? Les directions syndicales résisteront-elles aux pressions gouvernementales ?

Sont-elles traversées par des divisions qui pourraient les conduire à négocier des arrangements contre la poursuite de la grève ?

Quoi qu'il en soit, il revient aux grévistes et à eux seuls de décider de l'avenir de leur mouvement. Ils ont montré qu'ils n'étaient impressionnés ni par les attaques du gouvernement, ni par celles des médias. Leur mécontentement est profond et suffisamment légitime pour qu'ils tiennent bon.

Vive la grève des cheminots ! Vive la solidarité entre travailleurs !

Éditorial des bulletins d'entreprise du 16 juin

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