Ceuta, Melilla : Les barbelés et les lames de la honte07/05/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/05/une2388.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ceuta, Melilla : Les barbelés et les lames de la honte

Ceuta et Melilla sont les deux villes espagnoles enclavées sur la côte nord-est du Maroc, face au détroit de Gibraltar. Une fois franchie cette frontière entre l'Afrique et l'Union européenne, les clandestins sont sur le territoire espagnol et bénéficient du coup, selon les lois européennes, d'un statut provisoire de réfugiés. Leur cas est examiné par des autorités qui décident de les autoriser à rester en Espagne, sans papiers, ou de les rejeter vers les camps où, avant d'avoir réussi à franchir la frontière, ils ont souvent séjourné des semaines ou des mois.

À Ceuta et Melilla, tenter de passer la frontière hors des postes officiels est illégal. Entre le Maroc et ces deux villes est déployée une triple clôture de plusieurs mètres de haut, munie depuis des années d'une couverture coupante, chapeautée depuis quelques mois par des bobines de fil de fer muni de lames d'acier tranchantes et déroulées en accordéon. Les clandestins doivent l'assaillir, sauter par-dessus les rouleaux et redescendre. Ils ont alors les mains, les pieds et les membres en sang. S'ils échouent, ils sont rembarqués dans des campements misérables.

Les rouleaux de fil de fer armé de lames étaient utilisés depuis longtemps dans l'armée. Mais la généralisation de leur utilisation à Ceuta et Melilla a soulevé dans toute l'Espagne de vives protestations contre le sadisme de telles méthodes.

Mais c'est un autre événement survenu à Ceuta, à un autre point de la frontière, qui a suscité la plus récente réaction. Le 6 février dernier, sur la plage d'El Tarajal de cette ville frontière, une quinzaine de migrants ont trouvé la mort. La police avait été avertie qu'un groupe de plusieurs centaines de clandestins s'apprêtait à franchir la frontière, matérialisée sur cette plage par un brise-lame qu'il faut contourner à la nage. Alors qu'une quinzaine d'hommes et de femmes tentaient de gagner en nageant la partie espagnole de la plage, la police, pourtant nullement menacée, avait tiré, avec des balles en caoutchouc disent certains, et aussi des balles à plomb disent d'autres, sur une quinzaine de personnes.

Après avoir nié les faits, les responsables de la police (soutenus un temps par les autorités de Madrid) ont dû reconnaître que les cadavres retrouvés dans la mer avaient été victimes de leurs coups de feu. Il a fallu plusieurs jours pour que le gouvernement espagnol reconnaisse la responsabilité policière. Le représentant du gouvernement de droite actuellement en place a répondu aux attaques concernant ces affaires en expliquant que l'utilisation de ce matériel de dissuasion et ces méthodes existaient du temps du gouvernement socialiste du PSOE. Les représentants de ce parti, qui prône aujourd'hui des méthodes plus humaines, en avaient utilisé de semblables et avaient aussi dépensé des sommes considérables dans l'aménagement de cette barrière meurtrière.

Au-delà de cette polémique hispano-espagnole, il reste que durant toutes ces années les autorités européennes n'ont pas levé le petit doigt pour imposer le respect des droits humains. La barbarie est, cette fois encore, largement partagée.

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