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- Lutte ouvrière n°2388
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Émigration : Contre les pauvres et les victimes de conflits, l'Europe forteresse renforce ses frontières
Vingt-deux migrants, dont douze femmes et quatre enfants, ont péri le 4 mai dans le naufrage de leur embarcation au large de la Grèce. En octobre dernier, près de 400 autres avaient perdu la vie dans les mêmes circonstances au large de Lampedusa, au sud de la Sicile. Et régulièrement des hommes sont tués lorsqu'ils veulent franchir l'enceinte entourant Ceuta et Melilla, enclaves espagnoles situées sur le territoire marocain. Selon l'organisme Fortress Europe, près de 7 000 migrants sont morts noyés depuis vingt ans en voulant mettre le pied en Europe.
Originaires d'Afrique, d'Asie, et de plus en plus de Syrie, ces hommes et ces femmes, souvent accompagnés de leurs enfants, fuient la misère et la guerre qui sévissent dans leurs pays d'origine, dans l'espoir d'une vie meilleure en Europe. Leur nombre augmente sans cesse. Depuis le début de l'année, quelque 30 000 d'entre eux sont arrivés à Lampedusa, et le rythme s'accélère actuellement avec près d'un millier d'émigrants par jour. Mais alors que ce flot de réfugiés ne cesse de croître, en même temps qu'augmentent les conflits dont les populations sont les principales victimes, l'Europe leur ferme la porte. Ainsi, la France des « droits de l'homme », celle de François Hollande et de ses discours humanitaires, n'a accepté d'accueillir en janvier dernier que 500 réfugiés syriens... sur les 2,5 millions qui ont fui la guerre.
L'Union européenne se félicite d'avoir aboli les frontières en son sein, en y adjoignant même quelques autres États ou micro-États inclus dans cet ensemble. Mais si les accords de Schengen, entrés en vigueur en 1995, accordaient la libre circulation des personnes entre États-membres, ils prévoyaient parallèlement de renforcer les contrôles aux portes de l'Europe. Et depuis, tous les gouvernements de l'UE sont d'accord chaque fois qu'il s'agit de rendre l'immigration venant des pays pauvres de plus en plus difficile, transformant l'Europe en forteresse pour pays riches - même s'il y a des degrés dans leur richesse.
Des barrières, au sens propre, ont été dressées pour empêcher les migrants d'entrer ; autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla d'abord, mais aussi sur la frontière terrestre de la Turquie avec l'Europe, où un mur de 10,5 km a été érigé. Des caméras à infra-rouge, permettant de voir la nuit, ont aussi été installées le long de la frontière entre la Slovaquie et l'Ukraine. Parallèlement, les contrôles ne cessent de se multiplier et de se durcir. En Grèce par exemple, les gardes-côtes renvoient systématiquement les migrants qu'ils interpellent, parfois même alors qu'ils sont en pleine mer, avec les risques de naufrage que cela comporte.
En 2005, l'Union européenne a aussi créé Frontex, une agence spécialisée pour coordonner les moyens de contrôle de ses frontières et participer à des opérations conjointes pour mieux refouler les migrants. De même, elle cherche de plus en plus à rejeter le contrôle de l'immigration sur les pays d'Asie ou d'Afrique - comme lorsque Kadhafi avait créé de vastes camps en Libye, dans lesquels les candidats malchanceux à l'émigration étaient parqués.
Derrière le visage démocratique que se donne l'Union européenne, ne serait-ce qu'au travers de l'élection d'un Parlement européen, transparaît celui d'États tous d'accord pour rejeter les pauvres et les victimes de dictatures ou de guerres, en sachant que cela peut les condamner à mort.