Italie : Criminels de guerre impunis21/11/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/11/une2312.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Criminels de guerre impunis

L'article suivant est extrait de l'Internazionale, journal de nos camarades italiens de l'UCI (n° 115 d'octobre 2012)

Le parquet de Stuttgart a décidé le 1er octobre dernier que contre les dix SS condamnés à perpétuité en Italie en 2005 par le tribunal militaire de La Spezia pour le massacre de Sant'Anna di Stazzema, il n'y a pas de preuves suffisantes. La condamnation fut entre autres confirmée en appel et par la cour de cassation italienne en novembre 2007. 560 civils tués en août 1944, pratiquement tous des enfants, des femmes ou des anciens, et il n'y a aucun coupable. Il est normal que toute cette affaire ait suscité le dégoût et l'indignation, et pas seulement parmi les habitants de Sant'Anna di Stazzema !

Mais quelques semaines auparavant à Affile, petite commune de la province de Rome, on inaugurait le monument dédié à Rodolfo Graziani, « maréchal d'Italie », ancien gouverneur de Cyrénaïque et ex vice-roi d'Éthiopie, et surtout criminel de guerre. C'est pur hasard si les deux faits, la décision de Stuttgart et l'inauguration du monument, se sont produits à peu d'intervalle. Mais cette simultanéité suggère forcément des réflexions. Du monument, le Corriere della Sera nous apprend qu'il a été financé grâce aux crédits de la région du Latium. À l'exception d'une question parlementaire d'un député du Parti démocrate, il ne semble pas que cela ait suscité un scandale particulier, et pourtant il y aurait de quoi.

Selon l'historien Angelo Del Boca, Graziani fut « l'assassin le plus sanguinaire de tout le colonialisme italien ». Coupable des bombardements au gaz toxique contre la résistance éthiopienne et les populations, coupable pour la déportation dans des conditions atroces de dizaines de milliers de personnes, coupable pour les représailles aveugles contre la population des colonies de « l'Afrique orientale italienne ».

L'une de celles-ci, qui se déchaîna après l'échec d'un attentat contre Graziani, mena à la mort de 30 000 civils éthiopiens assassinés par les patrouilles fascistes et par des « volontaires » citoyens colonisateurs. L'envoyé du Corriere della Sera de l'époque écrivit dans son propre journal : « Tous les civils (italiens) d'Addis-Abeba se sont livrés à une vengeance foudroyante, avec les moyens du plus authentique « squadrisme » fasciste. Ils patrouillent armés de gourdins et de barres de fer, s'en prenant à tous les indigènes qui se trouvent encore à leur portée... Inutile de dire que le massacre s'abat sur une population surprise et innocente ».

Dans l'après-guerre Graziani fut jugé et condamné à 19 ans de prison pour trahison, ayant adhéré à la République de Salò. Dans la sentence il n'est fait aucune mention de ses crimes en Éthiopie, en Libye. On peut comprendre pourquoi : la quasi-totalité des sommets militaires de l'Italie « née de la Résistance » comme du reste la quasi-totalité des hauts bureaucrates de l'État et les magistrats eux-mêmes, occupaient les mêmes postes sous le régime fasciste. Du reste Graziani, entre amnisties et remises de peine, ne resta en prison que quatre mois.

Le procès contre les auteurs du massacre de Sant'Anna a été rendu possible par la mise au jour dans les caves du Tribunal militaire de Rome d'une armoire contenant 695 fascicules archivés « provisoirement » après la guerre. Il s'agit de la fameuse « armoire de la honte ». Pendant de longues années, avec le nouveau partage de l'Europe et la Guerre froide, les différents gouvernements occidentaux préférèrent en finir avec les procès contre les officiers allemands ou italiens qui s'étaient distingués par des actions criminelles : leur collaboration devenait utile.

L'État allemand s'est couvert de honte par la sentence de Stuttgart, mais au moins personne ne pense à ériger un monument aux criminels de Sant'Anna. En Italie on a érigé, avec l'argent des contribuables, un monument au boucher Graziani avec en gros caractères l'inscription « Patrie et Honneur »...

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