Russie : Le régime « d'escrocs et de voleurs » et ceux qui le contestent14/12/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/12/une2263.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : Le régime « d'escrocs et de voleurs » et ceux qui le contestent

Protestant contre le scrutin législatif frauduleux du 4 décembre et les scores que le régime en place a « arrangés » pour garder la majorité à la Douma malgré la volonté des électeurs, des manifestations avaient éclaté dès la proclamation de la victoire de Russie unie, le parti du Premier ministre Poutine. Depuis, elles se sont multipliées : six jours après le scrutin, on a répertorié des manifestations dans 80 villes. Quant aux rangs des manifestants, en une semaine ils sont passés de quelques milliers à des dizaines de milliers à Moscou.

Qu'il y ait eu 30 000 manifestants à Moscou, selon la police qui ne gonfle sûrement pas le nombre de ceux qui contestent le pouvoir, ou 80 000 selon les organisateurs, cela fait bien des années que l'on n'avait pas vu de tels rassemblements. En fait, le pouvoir n'avait jamais dressé contre lui autant de monde depuis 1993, autrement dit pratiquement depuis la fin de l'URSS. Bien qu'il ait déployé un grand nombre de policiers face aux manifestants, dont des centaines ont été arrêtés et plusieurs condamnés à des peines de prison, cela n'a pas eu l'effet escompté au Kremlin. En tout cas, jusqu'à présent.

Pire pour lui, si depuis des mois un rassemblement hétéroclite de groupements allant de la droite dite libérale aux sociaux-démocrates et à l'extrême gauche essayait, sans succès, d'organiser des manifestations contre le régime, les choses ont un peu changé ces derniers jours. À côté de cette nébuleuse peu nombreuse, on a vu manifester de nombreux jeunes pour la première fois. On a aussi vu des nationalistes, qui d'ordinaire préfèrent organiser leurs propres rassemblements anti-Poutine, mais aussi des personnes n'ayant pas l'habitude de manifester et qui, peu ou prou, appartiennent à la petite bourgeoisie : cette « classe moyenne » à laquelle, selon les tenants du « marché », la fin de l'URSS aurait ouvert un boulevard.

Toute une partie de cette dernière, notamment à Moscou, souhaitait faire de l'actuel président Medvedev son champion à la présidentielle de mars 2012. Face à Poutine, elle le considérait comme moderne, plus ouvert, moins lié aux bureaucrates affairistes et plus favorable aux petits entrepreneurs.

Hélas pour ses illusions, Medvedev vient de s'effacer piteusement devant Poutine, qu'il a désigné comme candidat du pouvoir à la prochaine présidentielle et conforté ainsi comme chef du régime. Déçue en cela, et maintenant ulcérée par l'impudence avec laquelle le pouvoir fraude aux élections, une partie de la petite bourgeoisie a saisi l'occasion de le manifester. Et plus encore de soutenir des manifestants dont les slogans visent Poutine et son « parti d'escrocs et de voleurs ».

Ces slogans rencontrent sans doute un écho dans des milieux socialement bien plus larges, qui savent d'expérience que le vainqueur de ces élections truquées, Russie unie, n'est rien d'autre que le parti du pouvoir et de ceux qui en profitent de façon éhontée.

Russie unie regroupe la majeure partie des politiciens-affairistes et surtout les plus riches, dont l'hebdomadaire Vlast' (Le pouvoir) vient de faire le recensement. Que ce soit par leurs comptes en banque (déclarés), leurs revenus (officiels), le nombre des appartements et datchas qu'ils possèdent (jusqu'à 80), à chacune de ces rubriques de la revue, les gens de Russie unie figurent parmi les dix plus riches députés. Comme on n'est jamais trop prudent, dans ce pays où les journalistes trop curieux se font assassiner, la revue a « oublié » d'établir le palmarès des politiciens les plus corrompus. De toute façon, cela n'aurait pas appris grand-chose à grand monde en Russie, vu l'expérience de chacun en ce domaine.

Adressant un geste timide à une opinion de plus en plus écoeurée, Medvedev a fini par concéder qu'il faudrait « vérifier » les résultats du scrutin. Poutine l'a aussitôt recadré en faisant savoir qu'il n'était pas question d'annuler les élections, comme le réclament les manifestants... qui n'ont cependant pas dit leur dernier mot.

Partager