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- Lutte ouvrière n°2215
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Niger - L'enlèvement et la mort de deux jeunes : Ce que cache « la guerre contre le terrorisme »
« Si c'était à refaire, nous prendrions la même décision » : c'est ce qu'a déclaré le ministre de la Défense, Alain Juppé, pour justifier l'opération militaire contre les ravisseurs des deux jeunes français au Niger qui s'est terminée par la mort des otages, apparemment exécutés par les membres du commando.
La quasi-totalité des représentants politiques lui ont emboîté le pas, dans cette posture de va-t-en-guerre et le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, a déclaré : « Il n'y a pas de faiblesse à avoir vis-à-vis des terroristes. » Il faisait écho aux propos de Sarkozy, qui avait donné le feu vert à cette opération, car les « démocraties ne peuvent pas céder quand des valeurs aussi fondamentales sont en cause ».
La barbarie des ravisseurs ne fait aucun doute, leur appartenance à l'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), affirmée par Juppé, n'a été confirmée par aucune revendication mais dans des régions ravagées par les guerres, il ne faut pas s'étonner que naissent des groupes prêts à tout.
Mais le discours antiterroriste des dirigeants français vise à occulter les raisons pour lesquelles la France est au Sahel considérée comme un ennemi. L'enlèvement précédent de cinq français employés d'Areva au Niger a été revendiqué par Aqmi qui, entre autres choses, a exigé le départ des troupes françaises d'Afghanistan. Il est évident que la participation de l'armée française à l'occupation militaire de ce pays aux côtés des troupes américaines, par les souffrances imposées aux civils, vient appuyer la propagande des groupes islamistes même si, en réalité, ils se moquent du sort de la population.
Quant à la situation de l'Afrique, en particulier des anciennes colonies françaises, il n'est pas nécessaire de chercher loin un responsable de leur situation catastrophique : c'est l'impérialisme français. Il a gardé la haute main sur leur politique monétaire, grâce au franc CFA lié à l'euro et à la libre circulation des capitaux entre la France et ces pays, ce qui favorise le rapatriement des bénéfices. Il a gardé aussi de nombreuses bases militaires. Les gouvernements de droite comme de gauche ont soutenu tous les dictateurs africains, tant qu'ils pouvaient leur rendre service et protéger leurs « valeurs fondamentales », c'est-à-dire en fait les intérêts des sociétés françaises.
Total pompe le pétrole du Congo et du Gabon ; le bois précieux est exploité par Rougier et par Bolloré, qui tient aussi, entre autres, le port d'Abidjan. La zone au sud du Sahel possède un sous-sol particulièrement riche : pétrole, gaz, or, phosphate, diamants, cuivre, etc. Quel que soit leur domaine d'activité, tous les grands groupes français, de Vinci à Orange (3,4 milliards de chiffre d'affaires en 2009), en passant par Vivendi, AXA, Sagem, Eiffage, sont intéressés par cette région où ils espèrent une croissance de plus de 5 % en 2011. Quant à Areva, par sa filiale Cogema exploitant l'uranium du Niger, il récupère là 50 % du combustible nécessaire aux centrales nucléaires.
Certes, la concurrence est rude avec d'autres investisseurs, en particulier les trusts américains, et tout ce monde se rejoint pour extorquer ses richesses au continent africain et contribuer à en faire une des régions les plus pauvres du monde. Mais par sa politique passée et présente en Afrique, par ses interventions militaires, sa longue exploitation économique, sans oublier ses ventes d'armes, l'impérialisme français est le principal responsable de cette misère et de la barbarie qu'elle engendre.
La « guerre contre le terrorisme » proclamée par Sarkozy est surtout l'annonce que, quoi qu'il arrive, les forces françaises resteront présentes en Afrique pour protéger les intérêts impérialistes. Et tant pis si, au passage, un ou deux jeunes pris en otage y laissent leur peau.