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- Lutte ouvrière n°2143
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Une correspondance de Haïti : À Port-au-Prince, les travailleurs de la zone industrielle ont fait entendre leur voix
Le 4 août dernier, après une petite agitation la veille, tôt dans la matinée, entre 12 et 15 000 ouvriers de la zone industrielle, plus précisément du parc Sonapi, parc industriel qui regroupe des entreprises de la sous-traitance, travaillant principalement pour le marché américain, ont gagné les rues de la capitale pour crier leur ras-le-bol des sempiternelles négociations autour de l'ajustement du salaire minimum journalier à 200 gourdes, équivalent de 5 dollars ou 3,57 euros. Le salaire en vigueur depuis 2003 est de 1,75 dollar.
Cette manifestation coïncidait avec une séance de discussion à la Chambre des députés sur les objections de Préval, le président de la République, relatives à la loi votée par le Parlement qui fixait le salaire minimum à 200 gourdes. Ce vote du Parlement a déclenché un véritable tir de barrage des patrons des entreprises de la sous-traitance, qui criaient à la catastrophe. Les députés devaient dire s'ils approuvent ou non les objections de Préval, qui proposait 125 gourdes pour les industries de sous-traitance en lieu et place des 200.
Avec des branches d'arbre en main, des milliers de travailleurs sont partis du parc Sonapi avec leur slogan « 200 gourdes tout de suite », en entraînant leurs camarades d'autres usines disséminées sur leur parcours pour arriver devant le Parlement. Prétextant des projections de pierres sur les policiers, des unités de la police ont violemment dispersé les manifestants à coups de matraque, de gaz lacrymogènes, etc.
Mais les travailleurs n'ont pas baissé les bras. Sur leur lancée, le lendemain, des milliers de manifestants ont à nouveau gagné les rues. Malgré la distance à parcourir pour arriver au centre de la capitale, ils ont été plusieurs centaines à dénoncer l'extrême exploitation qu'ils subissent.
Le 10 août, tôt dans la matinée, la police a procédé à l'arrestation - à l'intérieur du parc Sonapi - de deux étudiants venus apporter leur solidarité. Choqués, les manifestants dont le nombre avait considérablement augmenté ont mis environ deux heures à pied pour atteindre le commissariat où les deux étudiants étaient conduits, en criant : « Libérez les étudiants et votez les 200 gourdes. » Une véritable marée humaine ceinturait le commissariat. Son responsable prit peur et fit appel à des unités spécialisées qui dispersèrent la foule en lançant des gaz lacrymogènes.
Révoltés par le comportement des policiers, des milliers de travailleurs se sont massés le lendemain devant le parc Sonapi et ont déferlé dans les rues en direction du Palais national.
Si le déroulement de ces manifestations a mis en évidence les problèmes d'organisation de la classe ouvrière, il a permis à l'ensemble des travailleurs de faire l'expérience de l'énorme potentialité qu'il y a dans leurs actions communes. Se libérant, en l'espace de quelques jours, de la peur de perdre leur travail, les travailleurs de la zone industrielle ont vécu une expérience qui, à n'en pas douter, leur servira. Ils garderont en mémoire l'image des patrons apeurés, lorsque le cortège ouvrier venait chercher leurs camarades encore au travail. Ils se souviendront de la joie de ces travailleuses, arrachées aux griffes de leurs patrons, éclatant en sanglots de joie à la sortie de l'usine pour aller rejoindre leurs camarades dans les rues.
Si cette courte mobilisation a provoqué des moments de frousse chez les patrons et leurs serviteurs au gouvernement, elle ne suffira sans doute pas pour les faire reculer. Il est à espérer que ces travailleurs comprendront que l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail ne dépend pas des palabres des parlementaires, des politiciens, des économistes, mais de leur capacité à s'organiser pour pouvoir s'imposer aux patrons et à leurs valets.
Le 15 août 2009
PS : Entre-temps, les deux étudiants arrêtés au parc Sonapi et transférés au Pénitencier national sont relaxés le mardi 18 août. Le même jour, la Chambre des députés, dont la plupart ont reçu des pots-de-vin de la Présidence et du patronat, selon le député du Cap-Haïtien Eddy Jean Pierre, a voté pour les objections de René Préval, c'est-à-dire 125 gourdes en lieu et place des 200.