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- Lutte ouvrière n°2143
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Leur société
Débat à gauche : Quelle unité construire ? Changer, pour arriver au pouvoir et là... ne rien changer
Certains se plaignaient que la gauche gouvernementale, PS en tête, était silencieuse et « inaudible ». Depuis une semaine, ce serait plutôt le trop-plein et l'overdose de déclarations, sur un seul thème : quelle alliance construire pour revenir au pouvoir et succéder enfin à la droite et à Sarkozy ?
C'est Cohn-Bendit qui a ouvert le bal en proposant une alliance de toute la gauche avec une partie de la droite, le Modem de Bayrou, en déclarant devant les écologistes rassemblés : « Vous voulez une majorité, oui ou merde ? S'il faut ajouter le Modem, on ajoute le Modem », en expliquant : « Si vous voulez une majorité, il faut aller chercher les gens là où ils sont, pas là où vous êtes. » Et, tout de suite après, un des jeunes prétendants PS à la présidentielle, Vincent Peillon, a repris la balle au bond, mettant côte à côte à la tribune, lors du rassemblement de son courant, Robert Hue, ancien secrétaire général du PCF, des membres du PS, des Verts et du Modem, pour vanter ensemble la vertu de cette nouvelle union qui permettrait de succéder à Sarkozy.
Depuis, chacun y est allé de sa petite phrase, le débat sur les primaires à gauche pour désigner le candidat à la présidentielle se greffant là-dessus. Certains, en particulier le PC, protestent contre cette union « sans principe », mais y opposent une « bonne » alliance avec le PS et toute la gauche.
En fait, le débat se déroule à plusieurs niveaux. Pour la grande masse des élus de gauche, ultra-majoritaires dans les Conseils régionaux, et majoritaires dans les Conseils généraux, le problème urgent c'est : comment garder ces postes ? Avec quelles alliances, aux élections régionales de mars 2010 et ensuite aux cantonales de 2011 ? Cela représente des milliers de postes et le contrôle de puissantes collectivités. Ce n'est pas rien. Surtout que se greffent là-dessus les appétits des Verts.
Et puis, il y a le problème de ce que les dirigeants de la gauche gouvernementale appellent « la reconquête du pouvoir », c'est-à-dire la direction du pays, avec un président issu de la gauche et un Parlement de même couleur. Là-dessus, il n'y a fondamentalement aucune divergence de programme, car pour tous les partis institutionnels de la gauche, le PS, le PC, le Parti de Gauche, les Verts, les Radicaux, il s'agit d'aller gérer les affaires de la bourgeoise, au nom de la défense des intérêts des grands groupes capitalistes, comme ils l'ont toujours fait, tous ensemble, et encore dernièrement de 1997 à 2002.
C'est d'ailleurs ce qu'ils expriment très bien en définissant ce changement par le qualificatif « d'alternance ». Il s'agit pour eux de ne pas laisser à la droite le monopole de l'exercice de ce pouvoir. En 2012, cela fera dix ans qu'ils en auront été écartés. Les débats sur les programmes ne sont que le support permettant à chaque courant ou à chaque écurie de défendre l'importance de la place qu'il occupera demain, en cas de victoire électorale. Gagner les présidentielles est vital pour tous les appareils de la gauche, car aujourd'hui les élections des députés sont directement liées à la victoire du champion de chaque écurie aux présidentielles.
Voilà ce qui sous-tend ces débats sur l'unité et le contour des alliances. D'autant qu'en ce qui concerne les futures présidentielles, ce ne sont pas les candidats qui manquent au PS, bien au contraire. C'est pour trouver le moyen de ce qu'ils appellent « revenir aux affaires » que la polémique fait rage entre ces différents courants de gauche.
Bien sûr, les travailleurs qui subissent les attaques du patronat et de la droite coalisés aspirent à en finir avec cette politique. Mais l'issue ne viendra que de leurs luttes et des combats qui devront remettre en cause les racines du pouvoir de la classe capitaliste sur l'économie et la société. Il ne peut rien sortir de bon de ces débats qui agitent la gauche gouvernementale, pour qui il s'agit de faire semblant de vouloir changer les choses, pour ne rien changer au bout du compte ; et surtout pas pour s'attaquer au pouvoir des banquiers et des industriels.