Afrique du Sud : La colère des pauvres déchaînée... contre d'autres pauvres21/05/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/05/une2077.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afrique du Sud : La colère des pauvres déchaînée... contre d'autres pauvres

Depuis le 12 mai, plusieurs townships d'Afrique du Sud, les anciens ghettos noirs du temps de l'Apartheid, ont été le théâtre de vagues de violences, principalement dirigées contre les immigrants venus du Zimbabwé voisin. Des dizaines de victimes, tuées ou blessées, ont été recensées, et plus de dix mille personnes ont dû fuir les bidonvilles et les quartiers pauvres de Johannesburg pour se réfugier dans les bâtiments publics, les postes de police, les églises ou la rue.

Dans ce pays de 50 millions d'habitants, la misère pèse lourdement : 43 % de la population vivrait au-dessous du seuil de pauvreté, selon les critères des organismes internationaux et le taux de chômage atteint 40 %, touchant pour les deux tiers les moins de 35 ans. L'effondrement du niveau de vie, la catastrophique hausse des prix alimentaires survenue depuis le début de l'année ont exaspéré une situation dans laquelle la population pauvre dirige, malheureusement, sa colère contre les " étrangers ", et particulièrement les quelque trois millions de Zimbabwéens qui ont fui leur pays en crise, son inflation à six chiffres et son taux de chômage de 80 %.

Accusés de faire progresser la criminalité, d'occuper des logements déjà très rares, des places dans les écoles et des consultations aux centres de santé, et surtout, de " voler les emplois ", en tentant de survivre à l'aide des petits boulots auxquels se livrent tous les pauvres du monde, les Zimbabwéens ne sont pas seuls visés par la vague de colère aveugle. Des minorités ethniques originaires du nord du pays, les Shangaan et les Venda, sont aussi chassés de leurs logements, comme dans le township d'Alexandra où les violences raciales ont commencé.

À l'origine de ces affrontements inter-ethniques, on trouve aussi l'héritage du régime de l'Apartheid où la minorité blanche au pouvoir avait su, en faisant tout pour se les allier, dresser l'ethnie des Zoulous contre les autres populations. La fin de l'Apartheid n'a pas signifié celle des affrontements, et le pouvoir actuel, dirigé par le président Mbeki, ne peut pas feindre de les ignorer. Depuis les élections multiraciales de 1994, le pouvoir n'a cessé d'utiliser la démagogie des différences ethniques pour tenter de dévier le mécontentement populaire croissant, jusqu'à faire installer, à la frontière nord du pays, des zones de barbelés dérisoires face à la fuite des migrants zimbabwéens.

La colère de la population sud-africaine est ainsi déviée vers aussi pauvre qu'elle alors qu'à Johannesburg, l'étalage de richesse financière, concrétisée dans les buildings des compagnies d'assurance, des banques, des trusts étatsuniens et australiens, qui font leurs profits sur l'activité minière du pays et le travail des 250 000 mineurs, fait face directement aux bidonvilles.

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